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De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie

Organisateur(s) :BULAC

La création en 1898 d’une charge de cours en « langue abyssine » à l’École des langues orientales (actuel Inalco) inaugure le début des études éthiopiennes en France. Les collections éthiopiennes de la BULAC constituent un corpus inestimable et inégalé en France, tant par l’ancienneté et la rareté de certains ouvrages, que par la diversité des langues d’édition et le nombre de documents rassemblés.

De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie

አፈ ወርቅ ገብረ ኢየሱስ, ልብ ወለድ ታሪክ | ʾÄfä Wärq Gäbrä ʾIyäsus, Leb wäläd tarik [Histoire imaginaire], Äśmära, Il Poligrafiko so. ä, 1919 [1927]. Collections de la BULAC, BIULO BR.8.17(21).

Quand : 15 février 2024 > 25 mai 2024 Où : Rez-de-jardin

Commissariat

Marine Defosse, chargée de collections pour le domaine Afrique

Exposition De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie

Exposition De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie - rez-de-jardin (Maxime Ruscio / BULAC).

Exposition De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie

Exposition De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie - rez-de-jardin (Maxime Ruscio / BULAC).

Seconde langue parlée en Afrique subsaharienne à être enseignée après le malgache (des leçons de langue malgache sont initiées à l’École des langues orientales par Émile Gautier en 1895), l’amharique s’y développe dans un contexte particulier, alors que la France cherche à entretenir de bonnes relations avec l’Éthiopie, située à côté du territoire d’Obock-Djibouti qu’elle a colonisé dès 1862.

Face à cette nécessité de regrouper des matériaux indispensables à l’étude et à la recherche sur ce domaine, la bibliothèque va dès lors se doter d’ouvrages relatifs à la linguistique, à la littérature, à l’histoire et à la géographie ainsi qu’à la religion. Regroupant les fonds de langues sémitiques et couchitiques de la Corne de l’Afrique (amharique, oromo, tigrigna, guèze principalement) et portant plus spécifiquement sur trois pays (Éthiopie, Érythrée et Djibouti), le domaine est composé de plus de 5 000 documents, dont plus de 2 000 sont en langues éthiopiennes.

Il continue à s’enrichir chaque année de nouvelles publications et s’est même doté d’un lot d’affiches ayant trait aux questions de santé (prévention contre les maladies), de société (droits de la femme) et de politique (lutte contre la corruption, élections).

Cette exposition donne un aperçu de la richesse de ces collections, au travers d’une sélection de livres et revues, issus d’achats ou de dons.

L'exposition fait écho au colloque international 125 ans d'amharique et d'études éthiopiennes à l'Inalco, organisé les 14 et 15 mars 2024 à l'auditorium du Pôle des langues et civilisations.

La connaissance de l’amharique en France

Ce n’est que tardivement, en 1898, que l’amharique trouve une place dans le monde de l’enseignement en France. Il s’agit pourtant de l’une des principales langues d’Éthiopie, parlée comme langue maternelle dans la partie centrale du pays, sur les hauts plateaux, et plus largement comme langue seconde ou véhiculaire par une grande majorité des habitants. Mais elle est surtout la langue du pouvoir depuis plusieurs siècles, celle de la dynastie salomonide (ou salomonienne) expliquant son expansion et sa domination sur les autres langues du pays lorsqu’elle deviendra langue officielle. Si le guèze est la première langue écrite, d’usage liturgique et savant, l’amharique va progressivement s’imposer comme une langue littéraire vers la fin du XIXe siècle avec les Chroniques de Théodoros.

Grammaire de la langue abyssine (amharique)

Casimir Mondon-Vidailhet, Grammaire de langue abyssine. Paris, Imprimerie nationale, 1898. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 8 7054. Ex-Libris Jacques Faublée

Dictionnaire amarigna-français suivi d’un vocabulaire français-amarigna

Père lazariste Joseph Baeteman, Dictionnaire amarigna-français suivi d’un vocabulaire français-amarigna.  Dire-Daoua, Imprimerie Saint Lazare des RR. PP. Capucins, 1929. Collections de la BULAC, BIULO GEN.II.846.

Aussi lorsque Casimir Mondon-Vidailhet fait paraître en 1891 son Manuel pratique de langue abyssine (amharique), il fait œuvre de pionnier en France et témoigne de l’intérêt croissant que la France porte à l’Éthiopie. Si Antoine d’Abbadie avait ouvert la voie, une décennie plus tôt, avec son Dictionnaire de la langue amariñña (1881), la publication de C. Mondon-Vidailhet s’inscrit dans un contexte particulier. Face à l’expansionnisme des Italiens qui ont pris possession de Massaoua, les Français cherchent à obtenir les bonnes grâces de Ménélik II, devenu empereur en 1889, afin de protéger leur colonie d’Obock-Djibouti.

À l’époque de Mondon-Vidailhet, la connaissance de l’amharique reste principalement livresque et se fait grâce à de rares travaux de savants, missionnaires ou universitaires européens. Mariano Vittorio (1485-1572), théologien italien, apporte en 1630 quelques éléments de linguistique sur l’amharique dans le Chaldeae, seu Aethiopicae linguae institutiones. Une véritable grammaire est rédigée en 1698 par le savant allemand Job Ludolf (1624-1704). Ce n’est que bien plus tard que Charles William Isenberg (1806-1864) publie en 1842 sa Grammar of the amharic language, dans la pure tradition missionnaire, après son séjour en Éthiopie pour la Church Missionary Society (CMS). Mais l’on doit surtout au linguiste Franz Praetorius (1847-1927), formé dans les grandes écoles de l’orientalisme allemand, son ouvrage Die amharische Sprache (1879), qui reste une œuvre fondamentale. Parallèlement en Italie, Ignazio Guidi (1844-1935), premier laïc à enseigner les langues sémitiques à l’université La Sapienza, produit en 1889 la très bonne Grammatica elementare della lingua amarina.

 

Les figures majeures de Joseph Tubiana et Makonnen Argaw contribueront à leur tour à renouveler les études amharisantes, tant par leurs travaux scientifiques que par leurs enseignements, avant que les dictionnaires français-amharique et amharique-français de Berhanou Abebe et Éloi Ficquet ne paraissent en 2003 et 2004.

De son côté, Casimir Mondon-Vidailhet poursuit son rôle de diffuseur et de promoteur de la langue au travers de sa Grammaire de langue abyssine, sortie en 1898 sur les presses de l’Imprimerie nationale pour servir expressément à ses élèves, premiers étudiants à suivre son cours d’abyssin à l’École des langues orientales. D’autres Français s’attachent à enrichir les savoirs sur cette langue, tel le Père lazariste Joseph Baeteman (1880-1938), qui apporte une nouvelle contribution au travers de son Dictionnaire amarigna-français suivi d’un vocabulaire français-amarigna, publié à Diré Daoua en 1929. Quant à Marcel Cohen (1884-1974), successeur de Mondon-Vidailhet sur la chaire de l’École qu’il contribue à valoriser par sa culture et la longévité de son enseignement, il ajoute sa pierre à l’édifice avec son Traité de langue amharique (1936). Les figures majeures de Joseph Tubiana et Makonnen Argaw contribueront à leur tour à renouveler les études amharisantes, tant par leurs travaux scientifiques que par leurs enseignements, avant que les dictionnaires français-amharique et amharique-français de Berhanou Abebe et Éloi Ficquet ne paraissent en 2003 et 2004.

Seu Grammaticae linguae amharicae quae vernacula est Habessinorum…

Seu Grammaticae linguae amharicae quae vernacula est Habessinorum…

Hiob Ludolf, Seu Grammaticae linguae amharicae quae vernacula est Habessinorum… Francofurti ad Moenum, 1698. Collections de la BULAC, BULAC RES MON Fol 1603.

On attribue à l’orientaliste allemand Hiob Ludolf (1624-1704) la rédaction de la première grammaire de l’amharique en 1698. L’auteur, qui n’a jamais eu la possibilité de se rendre en Éthiopie, commence à apprendre seul la langue avant de se perfectionner aux côtés du prêtre Abba Gorgorios, qui devient son enseignant et informateur. 

Un lexique amharique-latin suit la même année, ainsi qu’une seconde édition de la grammaire, corrigée et augmentée, en 1701. 

Ses travaux constituent, encore aujourd’hui, des documents essentiels pour l’étude de l’amharique du XVIIe siècle.

Manuel pratique de la langue abyssine (amharique), à l'usage des explorateurs et des commerçants

Manuel pratique de la langue abyssine (amharique), à l'usage des explorateurs et des commerçants

Casimir Mondon-Vidailhet, Manuel pratique de la langue abyssine (amharique), à l'usage des explorateurs et des commerçants. Paris, Imprimerie Nationale, 1891. Collections de la BULAC, BIULO DD.IX.94.

Ce Manuel paraît juste avant que Casimir Mondon-Vidailhet n’effectue son premier séjour en Éthiopie. Envoyé officiellement par le journal Le Temps dans le cadre de la Mission Chefneux, il pénètre la cour de l’empereur Ménélik II et joue un rôle clé dans les relations diplomatiques entre la France et l’Éthiopie. 

Auparavant, c’est en autodidacte qu’il se forme à l’étude de l’amharique, loin du milieu académique, au contact des voyageurs et des missionnaires revenus d’Éthiopie, et grâce à ses nombreuses lectures. Bien qu’il n’ait alors aucune connaissance directe de la langue parlée, son savoir fait de lui malgré tout, avec Antoine d’Abbadie, l’un des rares amharisants français de l’époque.

Rédigé à destination « des négociants de notre colonie d’Obock et des explorateurs », ce livre, qu’il qualifie lui-même « d’élémentaire », se caractérise avant tout par son usage pratique, plus que proprement scientifique. Jugé imparfait et truffé d’erreurs, il n’en reste pas moins le premier ouvrage du genre à être publié en France. 

Dictionnaire de la langue amariñña

Dictionnaire de la langue amarinna

Antoine D'Abbadie, Dictionnaire de la langue amarinna, Paris, 1881. Page de titre dédicacée par Paul Soleillet, Don Makonnen Argaw. Exposé à Nîmes, janvier 2020. Collections de la BULAC, BULAC MON 8 31136.

Ce dictionnaire est exceptionnel et d’un apport essentiel pour la linguistique éthiopienne. Antoine d’Abbadie (1810-1897) y rassemble la somme imposante de 15 000 mots, enrichissant les travaux de ses prédécesseurs, le Lexicon de Hiob Ludolf (2 000 mots), mais surtout le dictionnaire de Charles William Isenberg (7 000 mots), sur lequel il s’est appuyé.

Conçu avec l’aide d’un savant éthiopien, il est le fruit des renseignements qu’il a collectés lors de son long séjour en Éthiopie. Entre 1837 et 1848, il sillonne le pays et récolte des sources de premier plan de nature linguistique, mais également ethnographique, géographique et météorologique. De ce voyage d’exploration naît ce dictionnaire savant, à grande valeur scientifique.

L’ouvrage porte un ex-libris au nom de Paul Soleillet (1842-1886). Contemporain d’Antoine d’Abbadie, il séjourne bien plus tardivement en Éthiopie, à partir de 1881. Il a contribué à ouvrir une nouvelle route commerciale entre Obock et le Choa, au centre du pays. Il est l’un des derniers associés d’Arthur Rimbaud. 

La découverte de l’Éthiopie par les Européens

Euphorbe dans le Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssynie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772.

James Bruce, Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssynie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772. Traduit de l'anglais par J. H. Castera. Tome premier. Collections de la BULAC, BIULO CD.I.10.

L'obélisque d'Axum dans le Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssynie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772.

James Bruce, Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssynie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772. Traduit de l'anglais par J. H. Castera. Tome premier. Collections de la BULAC, BIULO CD.I.10.

L’Éthiopie tient une place particulière dans l’histoire des découvertes du continent africain. Elle tire notamment son originalité du mythe fondé sur le Prêtre-Jean et les sources du Nil, mais aussi d’une christianisation ancienne, dès le IVe siècle. Les premières sources viennent des Portugais qui pénètrent en terre éthiopienne dès la fin du XVe siècle. Les écrits de Francisco Álvares, aumônier du roi du Portugal Manuel Ier, initient une véritable description du pays, tout à la fois historique, politique, religieuse et sociale. Les missionnaires, dominicains mais aussi jésuites, présents en Éthiopie de 1557 jusqu’en 1633, date de leur expulsion, produisent à cette époque une riche documentation sur le royaume, tels Luis de Urreta (Historia ecclesiastica, politica, natural y moral de los grandes y remotos reynos de la Etiopia), Geronimo Lobo (Relation historique d'Abissinie) ou encore Pedro Paez (Histoire de ce qui s'est passé au royaume d'Ethiopie es années 1624, 1625 & 1626).

Les connaissances sur le pays s’enrichissent de nouvelles sources à la fin du XVIIe siècle, lorsque l’orientaliste allemand Job Ludolf fait paraître en 1681 son Historia æthiopica. Outre l’histoire de l’Éthiopie, il s’attache à décrire la géographie, la gouvernance politique, la religion, la société, la littérature et l’économie du pays, conférant à cet ouvrage un rôle fondamental, tant par la somme des informations regroupées que par son caractère savant. Il comporte en outre une carte, qui serait la plus complète de l’époque et figurerait déjà les sources du Nil.

C’est autour du mystère des sources de ce fleuve que va se concentrer l’intérêt des explorateurs à partir du XVIIIe siècle. Cette quête avait déjà animé Francisco Álvares et Pedro Paez lors de leurs séjours au début du XVIe siècle avant que ne se dégage la figure de James Bruce, géographe écossais, poussé par son goût pour l’aventure. Son initiation au guèze ainsi que son usage d’instruments nécessaires aux voyages d’exploration ne lui permettront pas d’aller au-delà du lac Tana en 1770. Il faudra attendre plusieurs décennies pour que Richard Francis Burton et John Speke lui succèdent. Mandatés en 1857 par la Royal Geographical Society, ils s’inscrivent à la fois dans une époque avide de nouvelles découvertes scientifiques et dans le contexte d’une Grande-Bretagne qui cherche à renforcer sa présence en Afrique orientale et à pénétrer les espaces intérieurs de l’Afrique centrale. Cet attrait pour les voyages savants se manifeste aussi en France, à l’image des séjours effectués par Antoine et Arnaud d’Abbadie et plus tard au travers des grandes missions telle la Mission Dakar-Djibouti, alors que s’affirment les disciplines de l’ethnologie et de la linguistique.

Carte du Golfe d'Arabie dans le Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssynie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772.
Illustration de la Nouvelle histoire d'Abissinie, ou d'Ethiopie
Carte de l'Historia æthiopica de Job Ludolf
ʾItyopya Portugezoč ʾendayuwat
Nouvelle histoire d'Abissinie, ou d'Ethiopie, tirée de l'histoire latine de M. Ludolf. Enrichie de figures en taille-douce

Histoire de l'Ethiopie, décrite par Dom Francisque Alvarez in Historiale description de l'Afrique, tierce partie du monde… escrite de nôtre tems par Iean Leon, African…

Histoire de l'Ethiopie, décrite par Dom Francisque Alvarez  in Historiale description de l'Afrique, tierce partie du monde… escrite de nôtre tems par Iean Leon, African…

Francisco Álvares, Histoire de l'Ethiopie, décrite par Dom Francisque Alvarez  in Historiale description de l'Afrique, tierce partie du monde… escrite de nôtre tems par Iean Leon, African… Lyon, Jean Temporal, 1556. Collections de la BULAC, BULAC RES MON Fol 714.

Aumônier du roi du Portugal, Manuel Ier, Francisco Álvares (1490?-1540) reçoit délégation pour accompagner l’ambassade envoyée en Éthiopie. Parvenu à Gondar en 1520, il reste sept ans sur ces terres, alors quasiment inconnues. Il tire de son séjour un récit nommé Verdadeira informação das terras do Preste João, qui paraît en 1540 et est rapidement traduit en espagnol, puis en français et en italien. 

Cette Histoire peut être considérée comme une source essentielle, car issue de l’expérience vécue par Francisco Álvares lui-même, ou des informations qu’il a collectées lors de son voyage. 

Notons l’existence d’une ultime traduction de son récit en amharique, éditée par le Centre des études historiques ultramarines à Lisbonne en 1966. 

Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyss[i]nie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772

Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyss[i]nie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772

James Bruce, Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyss[i]nie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772. Londres, [s.n.], 1790-. Collections de la BULAC, BIULO CD.III.21(1).

Aristocrate écossais, James Bruce (1730-1794) se passionne très tôt pour les voyages. Tout d’abord consul à Alger, il sillonne ensuite le Maghreb, la Syrie et l’Égypte avant de rejoindre l’Éthiopie en 1770, porté par sa volonté de découvrir les sources du Nil. Persuadé d’avoir levé le mystère, il regagne la Grande-Bretagne où il publie son récit de voyage en 1790. 

Très critiqué par ses contemporains qui jugent ses écrits peu fiables, son entreprise, exécutée à compte privé, n’en reste pas moins source d’informations ethnographiques précieuses. Il peut être considéré comme un précurseur, annonçant les grandes expéditions scientifiques à venir au siècle suivant.

Travels, researches, and missionary labors, during an eighteen years' residence in Eastern Africa : together with journeys to Jagga, Usambara, Ukambani, Shoa, Abessinia and Khartum…

Travels, researches, and missionary labors, during an eighteen years' residence in Eastern Africa : together with journeys to Jagga, Usambara, Ukambani, Shoa, Abessinia and Khartum…

Johann Ludwig Krapf, Travels, researches, and missionary labors, during an eighteen years' residence in Eastern Africa : together with journeys to Jagga, Usambara, Ukambani, Shoa, Abessinia and Khartum… Boston, Ticknor and Fields, 1860. Collections de la BULAC, BIULO MN.IV.4.

La Church Missionnary Society (CMS) s’implante en Éthiopie en 1827. Johann Ludwig Krapf (1810-1881) rejoint la mission en 1837, ce qui fait de lui l’un des premiers missionnaires protestants en Afrique de l’Est. Il y reste jusqu’en 1842, date de l'expulsion de tous les missionnaires occidentaux du pays. 

Guidé par sa vocation évangélisatrice, son travail sur les langues constitue une de ses activités majeures. Il entreprend la traduction de textes bibliques en oromo, amharique et tigrigna, ainsi que la rédaction d’un vocabulaire oromo. Parallèlement à ces écrits considérés comme des réalisations linguistiques pionnières, il partage ses récits de vie en Afrique orientale dans Reisen in Ost-Afrika ausgefuhrt in den Jahren 1837-55 (traduit en anglais sous le titre de Travels, researches, and missionary labors, during an eighteen years' residence in Eastern Africa). Ces informations collectées sur place constituent un bon témoignage de la vie des populations de l’époque : ici, représentations de femmes dans la province du Choa, au centre de l’Éthiopie.

Notons la présence d’un ex-libris, « Bibliothèque Charles Alluaud », du nom de l’explorateur français et dernier grand voyageur naturaliste pour le Muséum national d’histoire naturelle. Il fera plusieurs voyages en Afrique.

Les revues

Le Courrier d'Éthiopie
Moʻa ʼänbäsa
Teglačen zena : Notre actualité de lutte
Berhānenā salām : Lumière et paix
Fana : La torche
Taṭäq : Armez-vous

Le fonds de la BULAC est riche de près de 90 revues, journaux ou magazines, qui sont le reflet tout à la fois des études sur l’Éthiopie mais aussi de l’histoire et de l’évolution du pays. Si les revues académiques majeures éthiopiennes et occidentales y sont bien représentées, tels le Journal of Ethiopian Studies et Lissan (Addis Abeba University), Aethiopica (Institut für Afrikanistik und Äthiopistik, Hamburg), les Annales d’Éthiopie (Institut éthiopien d’archéologie), Rassegna di studi etiopici (Istituto per l’Oriente) ou Pount, la presse y tient une place prépondérante.

Il faut voir le rôle déterminant qu’elle a joué dans l’introduction et le développement de l’imprimerie en Éthiopie, ainsi que dans la diffusion d’écrits en langue amharique. Si l’on prête à Casimir Mondon-Vidailhet l’installation d’une machine à Addis Abeba à la fin du XIXe siècle, cette activité aurait véritablement démarré grâce à l’action des missionnaires capucins, qui établissent une imprimerie dans leur léproserie d’Harar en 1900, où ils font paraître dès 1905 La revue mensuelle du Semeur d’Éthiopie. Le mouvement se poursuit sous impulsion privée et c’est un entrepreneur grec qui permet la publication en 1906 du premier journal en amharique ʾAʾemro. En 1913 naît Le Courrier d’Éthiopie, publié en français et axé tant sur les événements éthiopiens qu’européens. La fondation en 1925 de Berhanenna Selam (Lumière et Paix) marque une étape décisive. Journal officiel, il paraît sur les premières imprimeries gouvernementales modernes du même nom et marque la volonté du régent Tafari Makonnen (futur empereur Hailé Sélassié) de faire de l’amharique la langue dominante d’expression écrite et le vecteur de l’autorité politique. Plus tard, un nouveau tournant s'amorce avec la création, par l’agence de presse éthiopienne du gouvernement fédéral, de deux des plus anciens journaux du pays : en 1941, l’hebdomadaire en amharique Addis Zemen (La nouvelle ère) suivi en 1943 de son pendant en anglais The Ethiopian Herald.

Si les journaux ont été et sont encore le véhicule de la voix officielle et du pouvoir en place, des formes de contestation du régime se manifestent également au travers de bulletins. La bibliothèque détient ainsi plusieurs titres de revues éditées, sous forme artisanale, par des associations d’étudiants éthiopiens partis à l’étranger, parmi lesquels on peut citer Lesana Abeyot (Révolution linguistique), Teglačen (Notre lutte), Teglačen zena (Notre actualité de lutte) et Taṭäq (Armez-vous). Ces journaux, parus dans les années 1950-1970 sous l’égide des Unions des étudiants éthiopiens aux États-Unis et en Europe, se font l’écho de l’opposition étudiante naissante dans le pays contre la politique conservatrice d’Hailé Sélassié. Dans un autre registre, celui de la revendication communautaire des Juifs éthiopiens, citons l’existence de Fana (La torche), seul magazine à paraître en Israël en amharique, publié par l’Organisation juive éthiopienne unie (United Ethiopian Jewish Organization) à partir de 1992.

አእምሮ

Intelligence ou La Sagesse
A'emro : intelligence ou la sagesse

አእምሮ | Intelligence ou La sagesse. Addis Abeba, A.E. Kavadia, 1906-. Collections de la BULAC, BIULO PER.768.

ʾA’emro, aux sous-titres français Aïmiro ou Aymero, est le premier journal éthiopien édité en amharique. Publié dès 1906, il est à l’origine le fruit d’une initiative privée, celle du Grec Andrea Kavadia qui en est le rédacteur, avant d’être soutenu par le gouvernement éthiopien. Cet hebdomadaire existe cependant dès 1902 et paraît alors sous forme manuscrite puis de polycopie. Durant la Première Guerre mondiale, son activité est suspendue en 1914 et en 1916, avant de renaître sur les presses gouvernementales en 1924. 

Le n°78 présente une photographie de l’empereur Ménélik II (1844-1913). Une note manuscrite précise qu’il s’agit d’un don de MM. Chambard et Cohen. Archéologue et diplomate français, Roger Chambard (1904-1982) s’initie à l’amharique dès l’âge de 18 ans à l’École des langues orientales. Il est l’élève de Marcel Cohen (1884-1974), professeur d’amharique de 1911 à 1950.

አዲስ ዘመን

Une nouvelle ère
Une nouvelle ère

አዲስ ዘመን | Une nouvelle ère. Addis Abeba, Ministère de l’Information, 1941-. Collections de la BULAC, BULAC PER GFol 111.

Créé par l’empereur Hailé Sélassié I et lancé le 7 juin 1941 sous la forme d’un hebdomadaire, Addis Zämän devient un quotidien à partir de 1958. Son nom fait référence au retour d’exil de l’empereur suite à la libération de l'Éthiopie du joug colonial italien. Il se fait l’écho d’informations nationales et internationales. Le journal paraît encore de nos jours et reste le principal organe de presse gouvernemental.

ልሳን አብዮት

Révolution linguistique
Révolution linguistique

ልሳን አብዮት | Révolution linguistique. Washington, The Ethiopian Students Association in North America, 196?-. Collections de la BULAC, BULAC PER Fol 23. Don Joseph Tubiana.

L’Ethiopian Students Association in North America (ESANA) trouve ses origines en 1950 à l’occasion du premier rassemblement d’étudiants éthiopiens en Amérique du Nord au Lac Esquagamah (Minnesota), avant de se transformer en Ethiopian Students Union in North America (ESUNA). Elle naît dans le sillage de la création de l’University College of Addis Ababa, signe du développement de l’enseignement supérieur en Éthiopie. 

Cette association, ancrée dans la pensée marxiste, est très critique envers le régime impérial éthiopien de l’époque. Exposant ses opinions au travers de tracts, revues ou actes de congrès, elle constitue un levier important à l’étranger du mouvement étudiant éthiopien.

ትግላችን

Notre lutte
Teglačen : notre lutte

ትግላችን | Notre lutte. Stockholm, The Ethiopian Students Union in Europe, 196?-. Collections de la BULAC, BULAC PER 8 81. Don Joseph Tubiana.

L’Ethiopian Students Union in Europe (ESUE) se forme en 1960 lors du rassemblement d'étudiants venus de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni et tient son premier congrès à Paris en 1961. Comme son aînée, l’ESUNA, elle s’exprimera au travers de revues, telles que Teglačen, Teglačen zena (Notre actualité de lutte) et Tatäq (Armez-vous).

Il est probable que ces mouvements transnationaux ont influencé l’Ethiopian Student Movement (ESM) qui fut l’un des déclencheurs de la révolution éthiopienne de 1974.

መነን

Mänän
Mänän, n°5

መነን | Mänän, n°5. Addis Abeba, Ethiopian Patriotic Association, 1955-1974. Collections de la BULAC, BULAC PER FOL 27.

Mänän, n°12

መነን | Mänän, n°12. Addis Abeba, Ethiopian Patriotic Association, 1955-1974. Collections de la BULAC, BULAC PER FOL 27.

Le premier numéro de ce mensuel paraît en 1955 à l’occasion du 25e jubilé du couronnement de l’empereur Hailé Sélassié I et de l’impératrice Mänän Asfaw. Il porte le nom de l’impératrice et se veut le vecteur de la modernisation de l’Éthiopie, à l’image de ses souverains. Jusqu’en 1958, il est publié en amharique, puis devient bilingue amharique-anglais. En 1962, il se scinde en deux magazines indépendants, la version anglaise se poursuivant jusqu’en 1968 ; celle en amharique, jusqu’en 1974. Il couvre les questions relatives à la vie culturelle et sociale du pays et ses sujets de prédilection tournent autour des activités d’Hailé Sélassié et de sa cour, ainsi que des personnalités éminentes de l’époque (écrivains, peintres, musiciens, hommes politiques).

Une diversité des langues au travers des littératures ?

Plus de 80 langues sont parlées en Éthiopie

Tämsayet, wämaka, mäkmačot : yäbétä Guragé mesaléyawi negegeročč

Ṭanker Täräda, Tämsayet, wämaka, mäkmačot : yäbétä Guragé mesaléyawi negegeročč. Addis Abeba, 1991. Collections de la BULAC, 33ET 861.55 TAR.

La plupart appartiennent à l’un des trois sous-groupes de la famille des langues chamito-sémitiques : le groupe sémitique (amharique, tigrigna, gouragé), le groupe couchitique (oromo, somali, afar) et le groupe omotique (wolaytta). Une faible proportion de la population pratique des langues de la famille nilo-saharienne (berta, muris, nuer), dans l’aire linguistique située au sud-ouest du pays et à cheval avec le Soudan.

Dans ce paysage multilingue, la création littéraire s’est développée sous des formes bien différentes selon les langues. En effet, l’amharique s’est imposé comme la langue d’expression majoritaire. Forte de son expansion liée à la création d’un nouvel État abyssin au XIIIe siècle, elle ne se manifeste tout d’abord que timidement dans une littérature d’inspiration populaire ou religieuse. C’est au début du XXe siècle que l’installation à Addis Abeba d’imprimeries nationales, proches du pouvoir amhara, favorise pleinement l’usage de cette langue sur les autres. Le contexte est ainsi propice à l’apparition d’une nouvelle littérature profane en amharique, dégagée de toute culture religieuse qui restait traditionnellement écrite en guèze. Elle verra naître des auteurs de renom tels que Heruy Welde Selassié, Germachaw Takla Hawaryat, Haddis Alemayehu, Kebbede Mikael. À côté, la créativité artistique dans les deux autres langues majoritaires que sont l’oromo et le tigrigna peine à émerger. Le tigrigna trouvera un terrain plus favorable en Érythrée. Quant à l’oromo, malgré la prépondérance numérique de ses locuteurs, sa littérature tardera à émerger en raison des débats autour de l’adoption d’un système de transcription latine mais aussi de la résistance de son peuple au pouvoir.

Le tableau dressé semble cependant évoluer suite à la promulgation de la Constitution de 1994, qui octroie à toutes les langues une même reconnaissance de l’État, faisant perdre à l’amharique son statut de langue officielle.

Bien que la production en amharique reste prépondérante, l’écriture littéraire oromo gagne désormais en visibilité. Deux tendances et formes d’expression se dégagent au sein de ce courant, celle des publications à compte d’auteur où foisonnent les romans ou recueils de poésie (Isaayyas Hordofaa Miijanaa, Dasataa Dassaalany) et celle des publications institutionnelles, chapeautées par le Comité des langues (Gumii qormaata afaan Oromootiin), qui valorise plutôt la littérature populaire au travers des proverbes et contes.

ልብ ወለድ ታሪክ

Histoire imaginaire
Leb wäläd tarik : Histoire imaginaire

ʾÄfä Wärq Gäbrä ʾIyäsus, ልብ ወለድ ታሪክ | Histoire imaginaire. Asmara, Il Poligrafiko, 1927 (réimpression de 1966). Collections de la BULAC, BIULO Br.8.17(21).

Leb wäläd tarik est considéré comme le premier roman moderne écrit en amharique. Il paraît en 1908 à Rome (Tipographia D. Casa Editrice), avant d’être réédité à Asmara, en Érythrée italienne en 1927. Des impressions destinées aux écoles paraîtront plus tard sous le titre Tobya, tiré du nom de l’héroïne. 

Issu d’une famille amhara du Godjam, ʾÄfä Wärq Gäbrä ʾIyäsus (1868-1947) reçoit une éducation traditionnelle dans une région qui a vu naître de nombreux lettrés, avant de se confronter à la civilisation européenne dès 1887, date à laquelle il effectue un premier séjour en Italie. Il y apprend l’italien, tout en suivant des études à l’Accademia Albertina. Il y revient en 1896 et y reste jusqu’en 1912. 

C’est durant ces seize années qu'il produit ses œuvres majeures, au titre desquelles trois ouvrages de linguistique amharique en italien, un guide de l’Éthiopie pour les voyageurs rédigé en français, ainsi que son roman. Ouvrant la voie de l’expression littéraire en langues africaines, ce récit est reconnu pour son écriture romanesque très maîtrisée (des jumeaux identiques mais de sexe différent, Tobya et Wahed, sauvent le royaume de leur père).

ፍቅር እስከ መቃብር

L’amour jusqu’à la tombe
Fǝqǝr ʼǝskä mäqabǝr : L’amour jusqu’à la tombe

Häddis ʾAlämayéhu, ፍቅር እስከ መቃብር | L’amour jusqu’à la tombe. Stockholm, Addis Abeba, Berhanena Salam, 1966. BULAC MON 8 34265. Don Joseph Tubiana.

Fǝqǝr ʼǝskä mäqabǝr, devenu un classique de la littérature éthiopienne amharique moderne, est le roman le plus célèbre d’Häddis ʾAlämayéhu (1910-2003). Tout comme ʾÄfä Wärq Gäbrä ʾIyäsus, il vient de la province du Godjam. Tout en restant imprégné de culture traditionnelle, il bénéficie d’une éducation occidentale, poursuivant ses études aux États-Unis. Il prend cependant un tout autre chemin que son compatriote, connu pour sa sympathie envers les Italiens, puisqu’il sera, lui, emprisonné durant l’occupation italienne. Après la libération en 1941, il occupe des postes de diplomate et de ministre. 

Apprécié par le public dès sa parution, son récit conte la romance improbable entre deux personnages de classes sociales différentes, Bezabeh et Seble-Wenguél. Empreint d’un message politique, il dénonce les clivages sociaux entre une paysannerie soumise et une aristocratie imbue d’elle-même. Malgré cette critique appuyée du régime foncier de l’époque, le livre échappe à la censure grâce à l’imagination de son auteur. 

Gurraacha abbayaa

Le père noir
Gurraacha abbayaa : Le père noir

Dhaabaa Wayyeessaa, Gurraacha abbayaa | Le père noir. Addis Abeba, Artistic Printing Press, 2005. Collections de la BULAC, BIULO ETH.IV.158.

Dhaabaa Wayyeessaa (1966-) est l’un de premiers romanciers d'expression oromo avec Gaaddisaa Birruu (1957-2021). Originaire de la province de l’Oromia, il se lance dans l’écriture au travers de pièces radiophoniques diffusées sur le programme Afan Oromo, qui lui vaudront la colère du régime communiste de Mengistu Haile Mariam. Ce n'est qu’en 1991, à la chute du Derg, que paraît sa dramaturgie Dukkanaan Duuba (Au-delà des ténèbres), première pièce de théâtre oromo moderne à être produite au Théâtre national éthiopien. S’ensuivent deux romans, Godannisa (La cicatrice) en 1992 et Gurraacha abbayaa en 1996. 

Tout à la fois auteur renommé et à succès, Dhaabaa Wayyeessaa devient directeur du Gada Theatre and Cultural Club, destiné à faire vivre l’art et la culture oromo. Il est également choisi par le ministère de l’Éducation pour la rédaction des premiers manuels scolaires en langue oromo.

ውሻይከምኡውን ካልኦት ግጥምታት

Mon chien et autres poèmes
Mon chien et autres poèmes

Gǝrmay Gäbru Dästa, ውሻይከምኡውን ካልኦት ግጥምታት | Mon chien et autres poèmes. Addis Abeba, Mega Publishing enterprise, 2001. Collections de la BULAC, BULAC MON 16 7919.

Le tigrigna, troisième langue de l’Éthiopie en nombre de locuteurs derrière l’amharique et l’oromo, est la langue maternelle des habitants du nord du pays et langue majoritaire en Érythrée. Malgré la Constitution de 1994 établissant une reconnaissance égale de toutes les langues éthiopiennes, le pas vers une production littéraire diversifiée, représentative de la variété des cultures et des langues, semble difficile à franchir. Rares sont les romans ou recueils de poésie à être publiés en tigrigna, y compris dans les maisons d'éditions les plus importantes du pays comme ici la société Mega Publishing. 

ዎላይተቶ ሌምሱዋ

Proverbes wolaytta
Wolaytäto lemsuwa : Proverbes wolaytta

ዎላይተቶ ሌምሱዋ | Proverbes wolaytta. Addis Abeba, Académie des langues éthiopiennes, 1994-1995. Collections de la BULAC, BULAC 33ET 864.1 GET.

Il s’agit d’un recueil de proverbes en langue wolaytta avec leurs traductions en amharique. Le wolaytta est de la famille des langues omotiques et il est parlé au sud-ouest de l’Éthiopie. Langue minoritaire, elle serait utilisée par environ 2 % de la population du pays. 

Ce recueil est publié par l’Académie des langues éthiopiennes. Créée en 1972 sous le nom d’« Académie de la langue amharique », elle est rebaptisée en 1975 « Académie des langues éthiopiennes », dans un contexte de normalisation des langues minoritaires et une volonté de standardisation de l’amharique. En 1997, elle est transférée du ministère de la Culture et des Sports à l’université d’Addis Abeba.

L’investissement des enseignants-chercheurs dans la constitution du fonds

Yäḥisab godana bäʹseʿel : ʹändeña mäṣeḥaf
Yäḥisab godana bäʹseʿel : ʹändeña mäṣeḥaf
Yäḥisab godana bäʹseʿel : ʹändeña mäṣeḥaf

L’histoire des collections éthiopiennes de la BULAC est profondément marquée par l’implication des enseignants-chercheurs, qui ont permis l’enrichissement du fonds soit par achats effectués au nom de la bibliothèque soit par dons qui nous sont parvenus de leur vivant ou après leur mort. Cet apport est d’autant plus précieux qu’une portion conséquente de ces livres sont en langues vernaculaires. C’est bien souvent à l’occasion de leurs séjours effectués en Éthiopie sur leur terrain de recherche que la documentation a été collectée. Elle peut également être le fruit d’une transmission par des correspondants vivants sur place et jouant les intermédiaires pour eux.

Ethiopia in revolution

Ethiopia in revolution. Addis Abeba, Ethiopian Revolution Information Center, 1977. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 90.

Selä dimokerasi

ስለ ዲሞክራሲ | Selä dimokerasi, vol. 1. Addis Abeba, ብርሃንና ሰላም ማተሚያ ቤት, 1968 [1976]. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 434.

C’est ainsi que Marcel Cohen, mais surtout Joseph Tubiana puis Alain Rouaud, tous enseignants à l’École des langues orientales, ont acquis pour la bibliothèque une partie des livres entre les années 1945 et 1970. Cette tradition de captation perdurera ensuite grâce à l’arrivée de dons importants. Alain Rouaud poursuivra son action, offrant d’autres pans issus de ses collections personnelles. En 2012, la bibliothèque éthiopienne de Joseph Tubiana sera cédée à la BULAC, permettant l’intégration de plus de 800 livres, brochures, tirés-à-part et titres de périodiques. Dans son sillage, sera accueillie la bibliothèque de l’Association française pour le développement de la recherche scientifique en Afrique de l’Est (ARESAE), constituée de plus de 500 documents. Le dernier apport majeur, comprenant 200 ouvrages, sera celui de Makonnen Argaw en 2017.

Lämmana zämädoču

Gäbre Wädaǧo, ለማና ዘመዶቹ | Lämmana zämädoču. Addis Abeba, Ministère de l'éducation et des arts, 1948 [1956]. Collections de la BULAC, BIULO ETH.III.38.

የሒሣብ ጎዳና በሥዕል. ፩ኛ መጽሐፍ (manuel de mathématiques)

Ṭǝlaye Kasaye, የሒሣብ ጎዳና በሥዕል. ፩ኛ መጽሐፍ [manuel de mathématiques]. Addis Abeba, Negd Matämya Bét, [1963]/1955. Collections de la BULAC, BIULO ETH.III.9(1).

Grâce à la dynamique de prospection de ces spécialistes éthiopisants, guidée tout à la fois par leur volonté de rendre accessibles ces écrits à leurs étudiants et aux chercheurs mais aussi par leur amour des livres, se sont construits de solides corpus pour l’étude et la recherche éthiopiennes. Outre les ouvrages de référence, les incontournables en linguistique, histoire, littérature, sciences politiques et religion de l’Éthiopie, ainsi que la production contemporaine sont présents des documents plus rares, car très anciens, difficiles à capter (pour des raisons économiques ou politiques, mais aussi des types de matériaux que sont la littérature grise ou les publications gouvernementales) ou dans des langues pour lesquelles l’édition reste plus confidentielle. Au fil des années, leur apport a permis de combler les lacunes du fonds par des éditions antérieures, disparues des circuits commerciaux et devenues introuvables. C’est aussi bien souvent au travers de ces dons et des documents rassemblés par leurs possesseurs que transparaissent les échanges scientifiques entre chercheurs, tout comme les liens d’amitié.

Programme de la Révolution Nationale Démocratique Ethiopienne

የኢትዮዽያ ብሔራዊ ዲሞክራሲያዊ አብዮት ፕሮግራም | Programme de la Révolution Nationale Démocratique Ethiopienne / Programme of the National Democratic Revolution of Ethiopia. Addis Abeba : [s.n.], 1976. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 169 (amharique), BULAC BR 16 168 (français), BULAC BR 16 167 (anglais).

አረንጓዴው ጓደኛዬ / ለማ በትምህርት ቤት / በአማርኛ የሚነገሩ ጥቅሶች ምሳሌዎችና ፈሊጦች

Mon ami vert / Lemme à l’école / L’amharique, exemples et expressions idiomatiques
Ärängwadew gwadäñaye : Mon ami vert

አረንጓዴው ጓደኛዬ | Mon ami vert. Addis Abeba, Ministère de l'Éducation et des Arts, 1967. Collections de la BULAC, BIULO ETH.III.33.

Lämma bätemhert bét : Lemme à l’école

ለማ በትምህርት ቤት | Lemme à l’école. Addis Abeba, Ministère de l'Éducation et des Arts, 1965. Collections de la BULAC, BIULO ETH.III.39.

Bäʾämarǝña yämminägäru ṭǝqsoč mǝsalewočǝnna fäliṭoč : L’amharique, exemples et expressions idiomatiques

በአማርኛ የሚነገሩ ጥቅሶች ምሳሌዎችና ፈሊጦች | L’amharique, exemples et expressions idiomatiques. Addis Abeba, Lumière et paix, 1969. Collections de la BULAC, BIULO ETH.III.42.

Ces ouvrages scolaires ont été captés par Alain Rouaud alors qu’il enseignait dans le secondaire en Éthiopie. Jouant les collecteurs sur place pour le compte de la bibliothèque, il parvient à rapporter cette documentation en 1972-1973. Plus tard, il fait don d’une centaine d’autres exemplaires, publiés majoritairement en Éthiopie. 

À partir de 1981, il devient enseignant en littérature éthiopienne, religions et histoire des idées dans la Corne de l’Afrique à l’École des langues orientales. Mais l’on peut supposer qu’il tire de ses années d’exercice dans le secondaire un intérêt et un goût pour ces outils d'apprentissage de la langue (syllabaires, livres de lecture) et des mathématiques (livres de calcul). 

Ces brochures nous renseignent aussi sur le système éducatif éthiopien dans cette seconde moitié du XXe siècle. Toutes éditées dans les années 1950-1960, elles témoignent de l’investissement du pouvoir dans le développement d’une éducation moderne, visant à former de nouvelles générations, tout en diffusant la langue nationale, l’amharique. Elles ont été imprimées par le ministère de l’Éducation et des Arts ou sur les presses gouvernementales (Lumière et paix).

መልክዐ ማርያም ወመልክዐ ኢየሱስ / መልክአ ገብረ መንፈስ ቅዱስ

Maryam et Jésus / Le paysage du Saint-Esprit
Malkeʼa Maryām Wamalkeʼa ʼIyasus : Maryam et Jésus

መልክዐ ማርያም ወመልክዐ ኢየሱስ | Maryam et Jésus. Asmara, Maison d'Édition Étoile, 1963. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 381. Don Joseph Tubiana.

Mälkeʼä Gäbrä Mänfäs Qedus : Le paysage du Saint-Esprit

መልክአ ገብረ መንፈስ ቅዱስ | Le paysage du Saint-Esprit. Addis Abeba, Maison d'Édition Espoir, 1957. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 382. Don Joseph Tubiana.

Ces deux livres de dévotion proviennent du don Joseph Tubiana. Ethnologue et linguiste, Joseph Tubiana (1919-2006) est l'un des grands éthiopisants français. Il enseigne l’amharique à l’École des langues orientales de 1950 à 1974, succédant à Marcel Cohen, et ouvre des cours d’initiation aux langues couchitiques dès 1951. Sa bibliothèque, composée de plus de 700 documents, dont la moitié est éditée en langues éthiopiennes, reflète son attrait pour la linguistique, mais aussi pour la littérature, l’histoire et la politique de l’Éthiopie.

Rédigés en guèze, ces ouvrages témoignent de la survivance d’une littérature chrétienne dans cette langue. Première langue éthiopienne écrite, le guèze perd sa prééminence au profit de l’amharique au fil des siècles. Elle reste aujourd’hui la langue utilisée par l'Église éthiopienne orthodoxe. 

የኢትዮጵያ ሶሻል ትግልና ፍትሕ / የፓርቲ አደረጃጀት መርሆዎች

Lutte sociale et justice éthiopiennes / Principes d’organisation du parti
YäʾIteyop̣ya sošal tegelena feteḥ

አያሌው ተገኝ, የኢትዮጵያ ሶሻል ትግልና ፍትሕ | ʾÄyaléw Tägäñ, YäʾIteyop̣ya sošal tegelena feteḥ. ʾÄddis ʾÄbäba, Tenśaʾé zägubaʾé mattämiya bét, 1969 [1977]. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 436.

Yaparti adaragagat marhowoc : Principes d’organisation du parti

የፓርቲ አደረጃጀት መርሆዎች | Principes d’organisation du parti. Addis Abeba, Imprimerie commerciale, 197?. Collections de la BULAC, BULAC BR 16 440. Don de l’ARESAE.

Ces brochures sont tirées du don de l’ARESAE (Association française pour le développement de la recherche scientifique en Afrique de l'Est), fondée par Joseph Tubiana. Publiées dans les premières années d’accès au pouvoir de Mengistu Hailé Mariam, elles sont produites par les organes du gouvernement et diffusent la nouvelle parole politique marxiste-léniniste. 

Ces outils de propagande, sources inestimables pour documenter l’histoire de l’Éthiopie à cette époque, sont d’autant plus précieuses qu’elles sont parues durant cette période troublée où la diffusion de la production éditoriale à l’étranger est pratiquement anéantie, rendant impossible pour la bibliothèque toute captation d’ouvrages éthiopiens.

የዓለም ታሪክ

Histoire du monde
Yäʾaläm tarik : Histoire du monde

Käbbädä Mikaél, የዓለም ታሪክ | Histoire du monde. Addis Abeba, Imprimerie artistique, 1956. Collections de la BULAC, BULAC MON 8 32401. Don Makonnen Argaw.

Ce manuel est issu du don Makonnen Argaw. Linguiste, spécialiste du guèze et de l’amharique, Makonnen Argaw (1935-2015) commence sa carrière à l’École des langues orientales comme répétiteur en 1965 et devient titulaire de la chaire d’amharique en 1982. 

Käbbädä Mikaél (1916-1998) est l'un des plus célèbres écrivains éthiopiens du XXe siècle. À côté de ses recueils de poèmes et ses pièces de théâtre, il traduit en amharique Roméo et Juliette de William Shakespeare. Il est aussi biographe, historien et homme politique au service du gouvernement (entre 1941 et 1974). 

Cette Histoire universelle, publiée sur les presses de l’Imprimerie artistique, l’une des principales imprimeries du pays, témoigne du besoin nouveau en matériaux pédagogiques et de l’apport des grands intellectuels, mis à contribution dans la rédaction de ces ouvrages scolaires sous le régime d’Hailé Sélassié.

Au même moment, dans la galerie du Pôle des langues et civilisations...

Portrait de femme de Sänbäté, par Claude Légeret

Portrait de femme de Sänbäté (Claude Légeret).

(Re)découvrez l'exposition Femmes de Sänbäté, du 11 au 21 mars 2024. Née de l’envie de proposer un autre regard sur l’Éthiopie, cette exposition se compose d’une sélection de portraits de femmes réalisés par Claude Légeret sur le marché de Sänbäté en Éthiopie, dans les années 1980.

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Sélection bibliographique De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie

Sélection bibliographique De l'Abyssinie aux langues d'Éthiopie (Maxime Ruscio / BULAC).

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Exposition Trente ans qui ont changé l'Éthiopie

Le fonds éthiopien de la BULAC est l’un des plus remarquables de France : 4 000 ouvrages, dont 1 300 en langues vernaculaires. L’amharique (21 millions de locuteurs) y domine, reflet de son statut de langue officielle en Éthiopie durant près d’un siècle...

Exposition Trente ans qui ont changé l'Éthiopie
24 avril 2017 > 18 mai 2017

Révolutions politiques, démographiques et urbaines

Cette exposition-dossier sur l'Éthiopie contemporaine est construite autour d'une sélection de clichés réalisés entre 1983 et 2015 par Vincent Basuyau, ingénieur et ancien élève de l'Inalco.

Femmes de Sänbäté
8 mars 2012 > 4 avril 2012

Née de l’envie de proposer un autre regard sur l’Éthiopie, cette exposition se compose d’une sélection de portraits de femmes réalisés par Claude Légeret sur le marché de Sänbäté en Éthiopie, dans les années 1980.

Nos intervenants

Marine Defosse
Marine Defosse

Responsable adjointe du pôle Développement des collections, chef de l'équipe AMOMAC et chargée de collections pour le domaine Afrique

 

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