Domaine Océanie
Le domaine Océanie-Pacifique offre un ensemble unique par la variété de langues vernaculaires représentées. Le fonds rassemble environ 5 000 ouvrages, majoritairement en langues occidentales, publiés en Europe ou en Océanie, notamment un ensemble d'ouvrages du XIXe siècle constitué de récits de voyages et de documents rédigés par les missionnaires.
Présentation générale
Le domaine Océanie-Pacifique constitue l’un des axes de développement récents de la bibliothèque. En dépit de sa taille modeste (5 000 ouvrages), il offre aux océanistes un ensemble de documents unique par la variété de langues vernaculaires représentées. Cette collection se divise en deux ensembles : d'une part, le continent australien et la Nouvelle-Zélande, d’autre part, les archipels (Mélanésie, Micronésie et Polynésie). La Mélanésie regroupe la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, Vanuatu, la Nouvelle-Calédonie et Fidji. La Polynésie s’étend de Hawaï au nord à l’île de Pâques à l’est, jusqu’à la Nouvelle-Zélande à l’ouest et comprend les Îles Cook, Niue, la Polynésie française, les Samoa américaines, le Samoa, Tokelau, Tonga, Tuvalu ainsi que Wallis-et-Futuna. La Micronésie comprend les îles Mariannes, Guam, Palau, les États fédérés de Micronésie, les îles Marshall, Nauru et Kiribati.
L’Océanie est un vaste territoire qui présente à la fois un des peuplements les plus anciens de l’histoire de l’humanité, les dernières colonisations des puissances occidentales et un processus de décolonisation inachevé. On y trouve 16 États indépendants et autant de territoires non indépendants, à statut spécial ou largement autonome. Le continent englobe un tiers des langues autochtones du monde, certaines parmi les plus menacées d’extinction1. Ces langues, toutes orales, appartiennent à trois familles distinctes : la famille malayo-polynésienne, la famille des langues aborigènes d’Australie et la famille des langues papoues. Parmi celles-ci, le tahitien et le kanak sont les mieux représentées dans les collections de la BULAC. Elles font partie des 75 langues des outre-mer qui sont recensées comme des « langues de France » par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. On peut ajouter à cette liste les langues indo-européennes des colonisateurs à l’origine des différents créoles et pidgins, à base lexicale anglaise comme le tok pisin de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le pijin des Îles Salomon, le bislama du Vanuatu et le créole hawaïen, ou à base lexicale française, comme le tayo de Saint-Louis en Nouvelle-Calédonie.
- 1 Voir « Langues minoritaires et politiques linguistiques » de Claire Moyse dans Les langues en danger, 1999.
Historique de la collection
Le fonds rassemble environ 5 000 ouvrages, majoritairement en langues occidentales, publiés en Europe ou en Océanie. Il est issu des collections de la Bibliothèque interuniversitaire des langues orientales (BIULO) et des dépôts de l’École française d’Extrême-Orient (ÉFEO). La constitution du fonds Océanie est étroitement liée aux enseignements dispensés à l’École des langues orientales. Il comporte un ensemble d'ouvrages du XIXe siècle essentiellement constitué de récits de voyages, de documents rédigés par les missionnaires, notamment des catéchismes en langues vernaculaires, ainsi que d'études linguistiques.
Il n’existe pas à proprement parler de fonds ancien, mais quelques ouvrages rares constituent les fleurons de ce fonds, comme Histoire des Sevarambes, datant de 1681, et plusieurs récits de voyages de la fin du XVIIIe siècle, comme Cartes et figures du troisième voyage de Cook (1774) et Voyage autour du monde par la frégate du Roi la Boudeuse… (1776), de Louis-Antoine de Bougainville, reflétant la politique de découverte et de conquête de nouveaux territoires par les puissances européennes. À propos de ce premier tour du monde français officiel, la BULAC a organisé en 2018, à l’occasion du 250e anniversaire de l’arrivée de l’explorateur à Tahiti, une exposition intitulée Otahiti, Nave Nave Fenua / Tahiti, terre délicieuse.
Le fonds de la BIULO se développe à partir de 1944, date de la création du cours de houaïlou (langue néo-calédonienne) à l’École des langues orientales. À partir de 1947, d’autres langues viennent s’ajouter à cet enseignement : le tahitien et le drehu (langue de Lifou, une des îles Loyauté) en 1973, le nengone (langue de Maré) ainsi qu'une initiation au belep (langue mélanésienne des îles Belep) entre 1971 et 1978. En 1977, la chaire de houaïlou est transformée en chaire des langues océaniennes. Dans les années 1990, l’Institut national de langues orientales (Inalco) est autorisé à délivrer les licences de langues polynésiennes et mélanésiennes. À la suite de la signature des accords de Nouméa (5 mai 1998), un partenariat s’établit entre l'Inalco et l'université de Nouvelle-Calédonie (UNC), pour l'enseignement des langues kanak (langues océaniennes de Nouvelle-Calédonie). Le drehu (langue de la famille kanak) et le tahitien sont actuellement enseignés à l’Inalco où sont proposés les diplômes de licence, de master ainsi qu’un diplôme d’établissement.
Disciplines
Dans le domaine Océanie-Pacifique, environ 50 % du fonds est constitué d’ouvrages de linguistique des langues océaniennes. Cet ensemble se caractérise par des grammaires, des lexiques, des dictionnaires et des études sur les langues océaniennes ainsi que par des documents pédagogiques (manuels et méthodes). Par ailleurs, ces ouvrages épousent les problématiques les plus actuelles de la linguistique : typologie des langues et linguistique historique, identité linguistique, dialectologie et contacts de langue, linguistique aréale ou cognitive, pragmatique et sociolinguistique. Les documents traitant de la typologie et de la description des langues ont été privilégiés, ces langues étant extrêmement menacées et parlées par très peu de locuteurs.
Dans ce fonds, sont également représentées d’autres disciplines des sciences humaines et sociales telles que l’anthropologie, l’ethnologie et la sociologie. Celles-ci constituent 26 % du fonds et concernent plus particulièrement le folklore, les cérémonies et rites religieux, les savoir-faire locaux et les traditions maritimes. Environ 12 % des titres concernent l’histoire et la géographie : l’histoire coloniale et postcoloniale, les statuts politiques des peuples autochtones et les premiers voyages en Océanie.
Le reste du domaine comprend des documents sur l’art, la religion et depuis peu des textes de littérature. Ces œuvres littéraires en langues vernaculaires et en langues créoles acquises par la bibliothèque sont le reflet de publications écrites par une nouvelle générations d’auteurs qui cherchent à restituer les aspects vivants de la langue en privilégiant l’inventivité du langage.
Vie du fonds (dons et acquisitions particulières)
Ce fonds est alimenté par des acquisitions courantes et des dons de particuliers (enseignants et lecteurs de la BULAC). Parmi les dons importants figure celui de la bibliothèque de Madeleine Richard (née en 1928, enseignante à Tahiti, passionnée par l’histoire et les coutumes polynésiennes), récemment arrivé par l’entremise de l’association étudiante Wagawaga qui se dédie à la diffusion et à la promotion des langues océaniennes. Entré à la BULAC en 2018, ce don comprend 180 livres publiés à Papeete portant essentiellement sur la civilisation polynésienne, en particulier Tahiti (langue, histoire, poésies, théâtre1 et romans en tahitien) ainsi que les civilisations des îles Marquises et de l’Océanie.
- 1 Les parfums du silence : pièce de théâtre en trois actes et un épilogue de Étienne Ahuroa.
Reflet de l’activité éditoriale océanienne
En Océanie, la production éditoriale en langues vernaculaires débute dans les années 1990. L’affirmation et la reconnaissance des peuples autochtones, notamment en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la scolarité bilingue et la possibilité d’obtention de diplômes dans certaines de ces langues entraînent une revitalisation des langues autochtones.
Les éditeurs de la Polynésie française se sont réunis dans l’Association des Éditeurs de Tahiti et des îles (AETI) et ceux de Nouvelle-Calédonie autour de la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie. L’AETI compte parmi ses membres les éditions des mers australes, Au vent des îles, Littérama’ohi, les éditions ‘Ura et Haere Po qui publient des écrivains polynésiens. En France métropolitaine, le Pavillon océanien du salon Livre Paris présente la production océanienne, allant de la Polynésie française à l’Australie, en passant par la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Des collections dédiées à l’Océanie sont désormais le reflet d’une activité éditoriale importante dans les pays occidentaux et en Australie. Localement, des salons comme Lire en Polynésie soutiennent les auteurs locaux, les rencontres et la diffusion des littératures du monde.
Perspectives de développement
La recherche dans les pays occidentaux (notamment en France) et en Océanie s’intéresse de plus en plus aux langues et aux cultures autochtones. Les développements de l’édition vernaculaire restent cependant modestes, les maisons d’édition étant plus petites, avec peu de moyens de diffusion et le public réduit en raison de l’oralité de ces langues et des difficultés liées à l’apprentissage de l’écrit. Néanmoins, les politiques des États en faveur des langues autochtones et de leur préservation peuvent laisser espérer une revitalisation de certaines de ces langues.
Les périodiques du domaine Océanie-Pacifique
Le domaine Océanie-Pacifique s’est enrichi d’une sélection d’abonnements à des périodiques vivants et en ligne. Ces collections restent modestes mais significatives de l’actualité de la recherche sur les études aréales océaniennes. L’ensemble des titres est en langues occidentales.
La BULAC conserve les publications papier des principales sociétés savantes comme le Bulletin de la Société des études océaniennes (BSEO), la plus ancienne société savante de la Polynésie française créée en 1917, et édité à Papeete (Tahiti). L’anthropologie, le folklore, l’histoire rurale, la protection et la valorisation du patrimoine comptent parmi les sujets primordiaux de cette publication. Le Journal de la Société des océanistes, édité en France depuis 1945 par la Société des Océanistes, est une publication francophone dédiée autant à la recherche en sciences humaines et sociales qu’aux sciences de la nature et aux études sur les peuples et cultures du vaste territoire océanien. Le Bulletin de la Société d'études historiques de Nouvelle-Calédonie publié depuis 1969 à Nouméa par la Société d'études historiques de Nouvelle-Calédonie, est une publication consacrée aux études sur la Nouvelle-Calédonie et sur la Mélanésie en général.
The Journal of the Polynesian Society est une publication de la Polynesian Society de l’université d'Auckland. Cette société savante, née en 1892, est vouée à l’étude du peuple maori de Nouvelle Zélande et aux peuples natifs de la Polynésie, de la Mélanésie et de la Micronésie. L’ethnologie, les langues et l’étude des sociétés polynésiennes constituent leurs principaux objets de recherche.
L’histoire est représentée par The Journal of Pacific history publié au Royaume-Uni par Oxford University Press. La linguistique est représentée par la revue Oceanic linguistic, publiée par le département d'anthropologie de l’université de l’Illinois. Les études les plus importantes portent sur les langues autochtones de la région océanique. Les sciences sociales sont représentées par Oceania et The Contemporary Pacific revue. Oceania est publiée à Melbourne par l’université de Sydney et se consacre aux sciences sociales et à l’anthropologie culturelle des peuples autochtones d'Australie, de Nouvelle Guinée et des îles de l’océan Pacifique ; tandis que The Contemporary Pacific est publiée à Honolulu par l’université de Hawaï. La littérature est représentée par la revue Manoa, publiée en anglais à Honolulu par University of Hawaii Press. Les revues en ligne librement accessibles à partir du site BULAC sont : le Journal de la Société des Océanistes, Oceania, Oceanic Linguistics et Contemporary Pacific.
Focus sur le fonds tahitien
L’ensemble des sept langues polynésiennes compte 150 000 locuteurs. Parmi celles-ci, le tahitien, langue véhiculaire de la Polynésie française, est la langue la plus parlée. Devenue une langue écrite dès le début du XIXe siècle à la suite de l’arrivée des missionnaires anglais, elle est menacée d’extinction après la Seconde Guerre mondiale.
Elle renaît avec la création de l’Académie tahitienne-Fare Vāna (1972). Cette institution a pour mission la conservation et la promotion du tahitien : fixer l’orthographe, le vocabulaire et les règles de grammaires, mais également promouvoir l’édition ainsi que la traduction des œuvres les plus importantes de la littérature mondiale en tahitien. L’enseignement généralisé du tahitien est par ailleurs préconisé dès les années 1970 et devient obligatoire en 1984. En 1997, le Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (le CAPES) français-tahitien voit le jour.
À l’École des langues orientales, l’enseignement du tahitien est d’abord dispensé à partir de 1947 par le pasteur Charles Vernier (1883-1966), puis par Joséphine Nordmann-Salmon (1912-1983), entre 1958 et 1977, et finalement par Vonnick Bodin (1946-1987), entre 1977 et 1985. Jusqu’à la création de l’université du Pacifique en 1991 en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti, c’est la seule langue du Pacifique bénéficiant d’un enseignement officiel en France.
Les disciplines les mieux représentées dans le fonds tahitien sont la linguistique, l’histoire, les sciences sociales et depuis peu la littérature en langue vernaculaire.
Focus sur le fonds kanak
La famille de langues kanak est constituée de 28 langues, auxquelles ont peut ajouter 11 dialectes, parlés par environ 90 000 personnes en Nouvelle-Calédonie. Elles font partie de la famille austronésienne du groupe océanien. Parmi elles, le drehu, langue parlée à l’île de Lifou, à Tiga et par la communauté originaire de Lifou installée en Grande Terre, est la plus parlée avec 13 000 locuteurs. L'immense majorité des Kanaks continue à parler la langue de sa région d'origine. Le nombre de locuteurs par langue est très variable et certaines d'entre elles pourraient disparaître dans les décennies à venir, malgré une forte volonté de maintenir vivant ce patrimoine immatériel. Certaines langues comme le drehu, le nengone, le xârâcùù, le paicî ou l'ajië, qui comptent plusieurs milliers de locuteurs avec une pratique quotidienne, semblent moins menacées.
Entre 1869 et les années 1970, les langues kanak ont été interdites pour favoriser le statut francophone de la colonie de peuplement de la Nouvelle-Calédonie. La seule langue autorisée à l’école était le français. Les revendications kanak incitent à instaurer des mesures protectrices parmi lesquelles la création de l’Institut mélanésien en 1979. Depuis 1998, ces langues sont protégées par la loi et des mesures de préservation de ce patrimoine linguistique sont mises en place à travers l’enseignement dans les écoles primaires. Avec la loi Deixonne de 1992, quatre langues kanak, à savoir le drehu, le nengone, le ajië et le xârâcùù deviennent des options au baccalauréat. En plus des élèves du primaire, environ 3 000 collégiens et lycéens suivent ce type d'enseignement.
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