Domaine tamoul
Le tamoul est riche d’une littérature de plus de vingt siècles. Il est l’une des 23 langues officielles de l’Inde, et est parlé aujourd’hui par environ 80 millions de Tamouls dans plusieurs pays. Le fonds tamoul de la BULAC se compose de 8 500 ouvrages, dont 4 500 en langue tamoule et 4 000 en langues occidentales, principalement en anglais. Héritier d’une longue tradition à l’École des langues orientales, le tamoul fait partie des riches fonds de la bibliothèque, permettant un accès aux savoirs et à la connaissance des langues et cultures de l’Inde.
Présentation générale
Historique des langues dravidiennes
La famille des langues dravidiennes est constituée d’environ 250 millions de locuteurs. Elle réunit près d’une trentaine de langues parlées principalement dans le sud de l’Inde et au Sri Lanka, mais aussi dans quelques endroits épars dans le nord de l’Inde ainsi qu’au Népal et au Pakistan.
Les quatre langues de ce groupe qui ont le plus de locuteurs sont le télougou (en Andhra Pradesh), le tamoul (au Tamil Nadu), le kannada (au Karnataka) et le malayalam (au Kerala). La langue brahui, qui est parlée au Baloutchistan (Pakistan), appartient également à cette même famille linguistique dravidienne.
Le tamoul dans le monde
Le tamoul est une langue classique comme le grec ancien, le latin et le sanskrit, avec une littérature très riche de plus de vingt siècles. Il est parlé aujourd’hui par environ 80 millions de Tamouls dans les pays suivants : en Union indienne dans l'État du Tamil Nadu (qui signifie Pays des Tamouls) et dans deux anciens comptoirs français en Inde : Pondichéry et Karikal. Le tamoul s’est diffusé au Sri Lanka dès le premier millénaire de l’ère chrétienne et plus tard, lors de la colonisation britannique, dans différents pays d’Asie du Sud-Est, comme la Malaisie, la Birmanie ou encore Singapour. À la suite d’importants mouvements migratoires liés à la colonisation, on note également la présence de la langue tamoule en Afrique du Sud, à La Réunion, à l’île Maurice et aux Antilles françaises. Plus récemment, depuis le milieu des années 1980, avec la forte émigration des réfugiés tamouls du Sri Lanka, le tamoul est désormais présent au Canada, en Australie, en France et dans la plupart des pays européens. Il est l’une des 23 langues officielles de l’Inde.
Historique du fonds tamoul à la BULAC
Le fonds tamoul de la BULAC est actuellement composé de 8 500 ouvrages environ, dont 4 500 en langue tamoule et 4 000 en langues occidentales, principalement en anglais. Parmi ces 4 000 ouvrages, environ 1 750 sont des traductions d’ouvrages initialement publiés en tamoul. Héritier d’une longue tradition à l’École des langues orientales, le tamoul fait partie des très riches fonds de la bibliothèque, permettant un large accès aux savoirs et à la connaissance des langues et des cultures de l’Inde.
Le fonds à partir de 1830
Alors que les premiers ouvrages d’hindoustani arrivent dans les années 1830 avec Joseph Heliodore Garcin de Tassy, il faut attendre 1879 pour qu’un « cours complémentaire d’hindoustani et de langue tamoule » soit créé. C’est à Édouard Ariel (1818-1854) que l’on doit les premiers travaux d’importance scientifique sur l’étude de la langue tamoule, de sa poésie et de sa culture. Édouard Ariel ayant vécu 10 ans à Pondichéry, il est le premier à percevoir la qualité de la culture littéraire tamoule. Eugène Burnouf (1801-1852), professeur au Collège de France, comptait lui confier une chaire de tamoul classique, mais la disparition prématurée d’Édouard Ariel à l’âge de 36 ans ne le permettra pas. Ce dernier reste dans les annales comme une des figures majeures de l’histoire de l’étude du tamoul en France.
Édouard Ariel avait, entre autres, entrepris la traduction d’une œuvre classique de poésie : Tirukkuṟaḷ de Tiruvaḷḷuvar, disponible dans les collections de la BULAC sous le titre Études de M. Ariel : Traduction mot-à-mot du Tamil. Passionné par cette œuvre, il avait également travaillé sur une version latine établie par le Père Jésuite C. G. Beschi (1680-1747).
Des années plus tard, Julien Vinson (1843-1926), premier titulaire de la chaire de tamoul à l’École des langues orientales, poursuit le travail d’Ariel et copie la version latine avec les commentaires de celui-ci. Lorsque Julien Vinson institutionnalise l’étude du tamoul en prenant la direction de la chaire à l’École des langues orientales, l’Inde du Sud et la culture dravidienne font véritablement leur entrée dans les collections de la bibliothèque. Ayant passé son adolescence en Inde du Sud, J. Vinson avait une connaissance quasi native du tamoul. Il a fait don d’une centaine d’ouvrages précieux et de nombreux manuscrits copiés de sa main (Kāñcippurãṇam / Civañāṉayōkikaḷ [1903] copié par J. Vinson en 1903). Les ouvrages collectés ou écrits par J. Vinson portent sur des sujets variés. Ses thèmes de prédilection sont les études linguistiques : Le Verbe dans les langues dravidiennes (1878), la littérature tamoule ancienne et sa poésie épique : Le Ramayana de Kamban (1861) ou encore La poésie chez les races du sud de l’Inde (1871). Il s’attache à faire connaître tous les aspects de la culture du sud de l’Inde, notamment en traduisant du tamoul l’ouvrage Légendes bouddhiste et Djaïna (1964). Ses manuscrits ont fait l’objet d’une étude détaillée par Jérôme Petit, conservateur à la Bibliothèque nationale de France (Bulletin d’études indiennes, 24-25, 2006-2007).
Le fonds au XXe siècle
En 1921, c’est le professeur Jules Bloch (1880-1953), diplômé d’hindi, de tamoul, mais également de sanskrit de l’École pratique des hautes études qui succède à Julien Vinson. Avec lui, la chaire change une nouvelle fois de nom et devient : « la chaire des langues modernes de l’Inde ». Malgré cet accent nouveau mis sur les langues vernaculaires, avec sa double compétence, Jules Bloch, qui était à la fois linguiste de terrain et philologue classique, offre une nouvelle facette au fonds avec un ensemble d’ouvrages d’études religieuses. Historien de la langue marathe, il a également conduit des recherches sur les langues hindi, ourdou et d’autres langues du nord de l’Inde, tout en continuant à travailler sur les études dravidiennes. Il est notamment l’auteur de l’étude : Structure grammaticale des langues dravidiennes.
Le fonds Jules Bloch, historiquement localisé à la bibliothèque de l’EPHE, est constitué d’environ 7 000 volumes. Les thèmes les plus représentés dans ces documents sont le bouddhisme, le jaïnisme, les langues moyen-indiennes et les langues néo-indiennes (hindi, gujarati, marathi, bengali, tamoul).
À la fin des années 1980, le fonds tamoul prend une dimension nouvelle grâce au travail d’acquisition d’Élisabeth Setupathy (1952-2018), professeur de tamoul à l’Inalco. En effet, une dotation importante, attribuée par la Bibliothèque nationale de France dans le cadre d’une convention de « Pôle associé documentaire » lui permet d’effectuer des achats systématiques en langue tamoule. Si la religion, la poésie et la philosophie tenaient déjà une place importante, cet enrichissement poursuivi tout au long des années 1990, conduit à une grande diversification des collections tamoules. Ainsi, les sciences sociales, les études cinématographiques, l’art et l’architecture viennent compléter le fonds ancien. Cet ensemble documentaire atteint désormais une dimension exceptionnelle qui lui confère une place unique en France, de même qu’en Europe.
Les collections de littérature tamoule classique à la BULAC
La littérature tamoule classique se distingue de la littérature sanskrite par l’originalité de ses sujets.
La littérature Sangam
En effet, la littérature tamoule classique, dite aussi « littérature Sangam » (சங்க இலக்கியம்), du nom des premières académies de poètes, connaît probablement son âge d’or entre le Ier et le IVe siècles. La littérature du Sangam est essentiellement profane et traite des thèmes de la vie quotidienne, ce qui la démarque de la littérature sanskrite qui prend son essor à la même époque.
Son caractère laïc et tolérant, ainsi que la présence d’auteurs féminins, la rend d’autant plus exceptionnelle. Ce style unique dans les littératures indiennes s’étend sur deux millénaires.
Contrairement à la tradition védique qui est principalement orale, la littérature tamoule a très tôt existé sous la forme écrite. Malheureusement, les manuscrits gravés sur ôles (ōlai), par copies successives, sont très fragiles, ces feuilles de latanier ne pouvant survivre plus de 300 ans dans les conditions climatiques de l’Inde du Sud. De ce fait, les premiers textes sont probablement perdus à jamais.
Malgré tout, des sources variées permettent de retracer l’histoire de cette littérature prolifique : une grammaire élaborée Tolkāppiyam (தொல்காப்பியம்) : Poruḷatikāram / ik̲atu Pārattuvāci Naccin̲ārkkiyār iyar̲r̲iya uraiyōṭum ; palatēcappiratirūpaṅkaḷaikkoṇṭu paricōtittu Yāl̲ppāṇam Ci. Vai. Tāmōtarampiḷḷaiyāl patippikkappaṭṭatu (1885), huit anthologies de poésie et dix longues chansons, toutes datant des premiers siècles avant l’ère chrétienne. Œuvres fondatrices, elles sont sans cesse rééditées et la BULAC dispose de nombreuses versions de chacun de ses textes.
Le genre épique
Le genre épique est également bien représenté dans les collections de la bibliothèque avec les cinq grandes épopées tamoules qui sont disponibles en tamoul, et dans leurs traductions française et anglaise (Cilappatikāram சிலப்பதிகாரம் par Iḷankōvaṭikaḷ, Maṇimēkalai மணிமேகலை par Cīttalai Cāttanār, Kuṇṭalakēci குண்டலகேசி, Nīlakēci நீலகேசி, et Cīvakacintāmaṇi சீவகசிந்தாமணி par Tiruttakkatēvar).
Parmi les textes les plus tardifs que l’on nomme les « Patinen kilkkanakku », le Tirukkural de Tiruvaḷḷuvar est l'œuvre la plus célèbre. Ce texte de philosophie morale est traduit en plusieurs langues. La bibliothèque possède de nombreux commentaires anciens et modernes du texte, ainsi que de nombreuses études critiques1.
- 1 La BULAC possède le manuscrit de Tiruvaḷḷuvar intitulé Tirukkal ; le Kuralurai : commentaire sur le Tirukkural de Costantino Giuseppe Beschi (1890-1892) et le Livre de l’amour de Tiruvaḷḷuvar, traduit du tamoul et présenté par François Gros (1992).
Particularité de la littérature classique tamoule
Autre caractéristique qui la distingue de la littérature sanskrite, la littérature classique tamoule présente un grand intérêt documentaire car elle dépeint la vie de l’époque sous tous ses aspects, sous forme de tableaux. Même des questions telles que les relations extérieures du pays tamoul avec les pays méditerranéens, y sont abordées de façon détaillée.
Pendant près de cinq siècles, l’éthique est le sujet qui prédomine dans la littérature classique tamoule. Les cinq siècles suivants sont quant à eux marqués par un élan mystique. Puis, à partir du Xe siècle, cette discipline artistique s’enrichit sous l’effet de diverses influences, que ce soit celle du sanskrit, puis celles de l’islam et du christianisme1.
- 1 Recueil de pièces diverses : catéchismes, sermons, alphabets (XVIIIe siècle) ; Tēmbāvaṉi par Costantino Giuseppe Beschi (1810) ; Trois ouvrages tamouls chrétiens (XVIIe siècle, copié par Julien Vinson en 1890-1900) ; Recueil de chants tamouls par Z. Savarayalounaiker (1869).
Le style hybride
Au cours du XVIIIe siècle, sous l’influence coloniale, la littérature classique tamoule s’étoffe d’un nouveau style hybride. Mais bien qu’ayant absorbé ces nombreux apports à travers le temps, l’essentiel de sa tradition littéraire est demeuré intact. À partir du XXe siècle, la littérature écrite devient populaire, profitant de l’essor de l’imprimerie, et se diffuse facilement en pays tamoul. Encore aujourd’hui, cette littérature populaire demeure un des axes majeurs du fonds tamoul à la BULAC.
Les collections de littérature tamoule moderne et contemporaine à la BULAC
La production littéraire
La littérature tamoule moderne et contemporaine doit beaucoup à deux éditeurs érudits. En effet, U. Vē. Cāminātaiyar (1855-1942) surnommé « Grand-père tamoul » et Ci. Vai. Tāmotaram Piḷḷai (1832-1901) ont passé leur vie à rassembler des manuscrits anciens ainsi que les copies de ces manuscrits afin de les rééditer. Les thèmes traités dans ces manuscrits sont variés : ils concernent aussi bien l’étude de la langue que la littérature, le folklore, la religion ou encore l’histoire du pays tamoul.
L’un des axes notables du fonds tamoul est la collection des écrits du célèbre poète patriote et nationaliste Cuppiramaṇiya Pāratiyār (Subrahmanya Bharathiyar - 1882-1921). Grand révolutionnaire qui s’est battu pour l’indépendance de l’Inde, son œuvre singulière se compose de poèmes simples et élégants qu’il rédige alors qu’il s’est réfugié à Pondichéry (1908-1918) espérant ainsi échapper à la puissance coloniale britannique.
Concernant les auteurs contemporains (XXe - XXIe siècles), la BULAC possède les productions littéraires de Putumaippittaṉ, Jeyakāntaṉ, Ci. Cu. Cellappā, Mauṉi, Cuntara Rāmacāmi et Ki. Rājanārāyanaṉ. Les œuvres de ce dernier ont notamment été traduites en français par Élisabeth Setupathy (Gôpalla Grâmam ou Le village de Gôpallam). Les femmes écrivains ne sont pas en reste, et on peut citer parmi elles les auteurs les plus célèbres comme Lakṣmi, Rājam Kiruṣnaṉ et Ampai. Certaines de leurs œuvres ont été traduites en anglais.
La bibliothèque dispose également d'œuvres populaires qui sont très lues en Inde. Parmis ces auteurs de best-sellers, on peut citer : Pālakumāraṉ, Pirapañcaṉ, Jeyamōkaṉ, Es. Rāmakirusnaṉ, et Perumāḷmurukaṉ.
Le succès de cette littérature peut s’expliquer par la grande actualité des thèmes qu’elle aborde. En effet, les auteurs n’hésitent pas à convoquer des thèmes de société comme la condition des femmes, l’amour inter-caste ou encore la condition des Dalits (Intouchables).
La littérature « dalit », est d’ailleurs devenue un genre en soi, les auteurs appartenant à cette communauté utilisant cette discipline artistique pour faire avancer leur cause. Ils sont militants et activistes et leurs œuvres, qui sont le reflet de leur vécu, sont à la fois contestataires et intimistes. La littérature « dalit » tamoule est d’une grande vitalité et les œuvres les plus remarquables sont celles d’auteurs telles que Pāmā et Civakāmi, ainsi que celles de Rājkautamaṉ, Sṭāliṉ Rājāṅkam et Ravikkumār, toutes représentées dans les collections de la BULAC.
Le roman historique, autre genre populaire est également présent, avec notamment : Poṉṉiyiṉ Celvaṉ de Kalki Kiruṣṇamūrtti, Kaṭal Puṟā de Cāṇṭilyaṉ, et Uṭaiyār de Pālakumāraṉ.
Les publications scientifiques
Par ailleurs, la BULAC possède de nombreuses publications scientifiques en histoire et en sociologie. On peut citer le travail de Mayilai Cīṉi Vēṅkaṭacāmi (1900-1980), à la fois historien et historien de la littérature, et de Mā. Irācamāṇikkaṉār, archéologue et linguiste. Sont également présents des ouvrages des auteurs de Tamiḻ Īḻam. Qu’il s’agisse de leurs travaux sur la langue tamoule et son évolution, sur les littératures ancienne et moderne, ou encore sur l’histoire, ces auteurs du Sri Lanka offrent un point de vue singulier sur la culture tamoule.
Une place de choix est également réservée aux auteurs majeurs avec la présence des œuvres d’Ārumuka Nāvalar (1822-1879) : Tolkāppiyam, collatikāram (தொல்காப்பியம், ல்லதிகாரம்), Teyvappulamait Tiruvaḷḷuvanāyan̲ār aruḷicceyta Tamil̲vētamākiya Tirukkur̲aṇmūlamum Parimēlal̲akaruraiyum (தெய்வப்புலமைத் திருவள்ளுவநாயனார் அருளிச்செய்த தமிழ்வேதமாகிய திருக்குறண்மூலமும் பரிமேலழகருரையும்), Nan̲n̲ūl kāṇṭikaiyurai, Ār̲umuka Nāvalar (நன்னூல் கண்டிகையுரை, ஆறுமுக நாவலர்), Ilakkaṇaccurukkam (இலக்கணச் சுருக்கம்) de Ka. Kailācapati (1933-1982), de Kārttikēcu Civattampi (1932-2011), de Ceṅkai Āḻiyaṉ [1941-2016], de Ṭomiṉik Jīvā [1927 — ] et de Ṭāṉiyal, Kē. [1927-1986].
La littérature d’exil des XXe et XXIe siècles est également présente, notamment à travers les œuvres d’Es. Poṇṇuturai, de Tīpaccelvaṉ et plus récemment de Cōpācakti.
Revues et titres de presse tamouls
La BULAC propose un grand choix de magazines tamouls traitant de la culture, de l’art ou encore de la politique : Uyirmai (littérature), Uyireḻuttu (linguistique), Putiya Kōṭāṅki (articles sur les dalits), Amutacurapi (art et musique), etc.
Dans le domaine des publications académiques, la BULAC est abonnée à la revue scientifique Āvaṇam sur l’épigraphie tamoule.
Enfin, la Réserve conserve d’anciennes revues tamoules du début du XXe siècle, comme Naviṉa Pārati et Centamiḻ.