La Bibliothèque James-Darmesteter de l'Institut d'études iraniennes
La bibliothèque James-Darmesteter de l'ancien Institut d'études iraniennes a été déposée à la BULAC par le CNRS et l'université Sorbonne-Nouvelle. C'est un ensemble essentiel pour les études persanes en France. Son histoire est étroitement liée avec le développement de la recherche française sur l'Iran. La valorisation conjointe de ce fonds est au cœur des partenariats scientifiques qui lient la BULAC et le Centre de recherche sur le monde iranien (CeRMI, UMR 8041).
L'Institut d'études iraniennes, carrefour de la recherche française sur l'Iran et le monde persan
L'Institut d'études iraniennes de l'Université de Paris est fondé en 1947 par l'islamologue Louis Massignon. Son objectif est de développer l'étude du monde iranien. L'activité scientifique ne se développe réellement qu'à partir de 1951 avec l'ouverture de conférences assurées par Gilbert Lazard. La direction de l'Institut est assurée à partir de 1962 par Émile Benveniste dans un contexte de consolidation des études du monde iranien à Paris. Gilbert Lazard assure l'enseignement de langue persane à l'École des langues orientales à partir de 1958, avant de bénéficier de la création d'une chaire à la Sorbonne en 1966 tandis que l'étude du monde iranien se développe au sein des IVe et Ve sections de l'École pratique des hautes études. L'Institut emménage au sein de la Maison de l'Asie, avenue du Président-Wilson, en 1966.
Après 1969 et l'éclatement de l'Université de Paris, l'Institut d'études iraniennes est rattaché à l'université Paris-III qui prend en charge l'enseignement du persan. Gilbert Lazard assure la direction de l'Institut de 1971 à 1987 ; celui-ci se transforme alors en une équipe de recherche qui rassemble des chercheurs en poste dans différents établissements. Parallèlement, une deuxième équipe de recherche consacrée à l'étude de l'Iran contemporaine est mise en place. Ces deux entités sont rassemblées à partir de 1995 au sein d'une unité mixte de recherche « Monde iranien » (UMR 7528) associant le CNRS, l'université Sorbonne-Nouvelle, l'EPHE et l'Inalco. Sa direction est assurée par Bernard Hourcade. Le laboratoire regroupe ainsi les trois grands axes de la recherche française sur le monde iranien qui se sont développés depuis les années 1950 : l'étude de la langue, de la littérature et de la civilisation perses, l'islamologie et la recherche sur l'Iran contemporain. À partir de 2005, cette UMR associe les recherches sur le monde indien et indo-persan sous l'intitulé « Mondes indien et iranien ». Depuis 2019, la recherche sur le monde iranien et persan est regroupée au sein du Centre de recherche sur le monde iranien (CeRMI, UMR 8041).
L'équipe de recherche publie depuis 1978 la bibliographie critique Abstracta iranica, avec la participation de l'Institut français de recherches en Iran - la publication est disponible en ligne et en accès ouvert à partir du volume publié en 2001. Elle également étroitement associée à l'animation de la revue Studia iranica depuis sa fondation en 1972.
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Gilbert Lazard, « Histoire de l’Institut d’études iraniennes », in : Ève Feuillebois-Pierunek et Yann. Richard, Louis Massignon et l’Iran. Paris, Louvain, Sterling, Peeters, « Travaux et mémoires de l’Institut d’études iraniennes », 2000, p. 7-11.
La constitution de la Bibliothèque James-Darmesteter
Une bibliothèque d'iranologie est progressivement constituée auprès de l'Institut à partir du début des années 1950 par Jean de Menasce, Marinan Molé et Gilbert Lazard. Les premiers volumes sont offerts par Henri Massé, administrateur de l'École des langues orientales. Parmi ces premiers enrichissements, il faut particulièrement noter :
- les ouvrages de la bibliothèque de James Darmesteter, jusqu'alors déposés par sa veuve auprès de l'Institut Pasteur,
- un fonds de plaques photographiques réalisées par l'architecte et archéologue Henry Viollet en Perse et au Moyen-Orient au début du siècle,
- les archives et ouvrages de l'archéologue André Maricq,
- les archives et ouvrages de Marijan Mole, élève de Jean de Menasce, spécialiste des religions de l'Iran ancien,
- des ouvrages issus des bibliothèques d’Antoine Meillet et de Louis Massignon.
La bibliothèque bénéficie également d'envois fréquents de publications de l'université de Téhéran. Elle rassemble 1 300 volumes en 1960.
Elle ne dispose toutefois pas de locaux en propre avant l'emménagement de l'Institut avenue du Président-Wilson où l'on dénombre 4 000 volumes en 1966. Un poste de documentaliste est créé en 1970. Le fonds documentaire, qui atteint désormais 9 500 volumes, emménage dans le centre Censier de la Sorbonne-Nouvelle en 1977. Le budget et le personnel de la bibliothèque sont désormais assurés conjointement par le Service central de la documentation et le CNRS.
En 2010, Gilbert Lazard fait don à la bibliothèque d'un ensemble de 1 500 documents issus de sa collection personnelle. En 2011, fruit de l'engagement du CNRS et de l'équipe de recherche dans le projet BULAC, les 23 000 documents de la bibliothèque James-Darmesteter sont transférés rue des Grands Moulins pour participer à l'ouverture de la nouvelle bibliothèque.
James Darmesteter (1849-1894)
La bibliothèque de l'Institut d'études iraniennes rend hommage à une figure pionnière des études sur l'Iran pré-islamique au XIXe siècle. Spécialiste du vieux-persan, du zend et du sanskrit, il réalise les éditions critiques de Zoroastre, de l'Avesta et des sources du mazdéisme. Il enseigne à l'EPHE, puis au Collège de France, il est membre de la Société asiatique.
Les collections de l'Institut d'études iraniennes comptent plusieurs dizaines d'ouvrages richement annotés de sa main. Ses papiers sont conservés à la BnF, ainsi que la correspondance avec son épouse, la poétesse anglaise Mary Robinson :
« Gilbert Lazard, un siècle d’études iraniennes » par Julie Duvigneau
Une collection exceptionnelle pour l'étude du monde persan
Les collections de livres de la bibliothèque James-Darmesteter couvrent principalement les langues anciennes de l'Iran, la littérature classique, la philosophie, l’histoire et archéologie.
Le fonds reçoit une quarantaine de périodiques spécialisés sur le monde iranien et possède les archives de près de 300 autres titres. À côté des revues académiques de référence tels que Iran, Iranian Studies, Iranica Antiqua, Persica, Studia Iranica, une collection exceptionnelle de périodiques publiés en Iran vient compléter l’offre. Certaines sont difficiles d'accès même en Iran, comme Salam et Risalat. On peut également citer la présence de la revue Film, dont les premiers numéros datent du début de la révolution iranienne, ainsi que de Rahavard et Ava-ye Za publiées par la diaspora iranienne.
Les collections de la bibliothèque continuent d’être enrichies non seulement par la voie des acquisitions, mais aussi grâce à la réception de nombreux dons issus du milieu même de la recherche en études iraniennes.
Des fonds de chercheurs
Cette politique de collecte des archives de chercheurs est à l'origine d'un ensemble de fonds patrimoniaux qui doivent être particulièrement signalés.
La bibliothèque possède une collection de huit manuscrits : trois en arabe, y compris un Coran qājār enluminé, trois en persan, dont une version de Hamza-nāma anonyme, ainsi qu’un en turc chaghatāy. Deux viennent de James Darmesteter, un autre autre de Marijan Molé et le dernier de Gilbert Lazard.
Plusieurs fonds d’archives font également partie intégrante de la bibliothèque. Ils bénéficient depuis peu de conditions d’accessibilité particulièrement favorables grâce à l’établissement d’inventaires détaillés par les chercheurs spécialistes du domaine, travaux effectués pour la plus grande partie dans les années 2000-2018. En particulier,
- Fonds Alphonse Nicolas (1864-1939) : archives personnelles d’un consul de France à Tabriz, à l'origine d'études sur le bahaïsme et le babisme.
- Fonds Henry Viollet (1880-1955) : notes, carnets, croquis, photographies rassemblés par l’architecte français Henry Viollet entre 1904 et 1913 lors des missions archéologiques au Soudan, Égypte, Mésopotamie, Perse et Asie centrale. Les nombreux négatifs sur plaques de verre ont fait l'objet d'une numérisation librement consultable en ligne.
- Fonds Jean de Menasce (1902-1973) : correspondances, notes et archives de recherche en religions de l’Iran ancien.
- Fonds Marijan Molé (1924-1963) : notes et archives de recherche en religions et histoire de l’Iran ancien.
- Fonds André Maricq (1925-1960) : objets archéologiques et archives de recherche (inventaire en consultation interne).
- Fonds Shojaoddin Shafa (1918-2010), un des fondateurs de la Bibliothèque nationale d’Iran, qui a légué 2 000 ouvrages, une importante correspondance institutionnelle et des archives scientifiques.
La BULAC et le Centre de recherche sur le monde iranien : une collaboration étroite élaborée autour du fonds documentaire
Sous l'impulsion de Bernard Hourcade, l'UMR Mondes indien et iranien a participé activement au projet de constitution d'un Pôle des langues et civilisations, destiné à rassembler une part significative de la recherche aréaliste de la région parisienne. Le dépôt de l'ensemble du fonds de la bibliothèque James-Darmesteter est l'illustration de cette volonté d'explorer les nouvelles formes de travail entre monde de la documentation et recherche rendues possibles par la BULAC. L'équipe de recherche met également à disposition du GIP BULAC une documentaliste, qui prend en charge les collections iraniennes du nouvel établissement. Francis Richard, premier directeur scientifique de l'établissement jusqu'en 2015 et spécialiste reconnu du manuscrit persan, est également un membre actif de l'équipe.
Pour marquer cette collaboration étroite entre le centre et la nouvelle bibliothèque, un espace de travail accessible 24h/24 est mis à disposition de l'équipe. Un équilibre est ainsi trouvé entre le partage des ressources de la bibliothèque James-Darmesteter avec l'ensemble des lecteurs de la BULAC et le maintien d'une relation de proximité entre l'équipe de recherche et le fonds documentaire qu'elle a constitué.
La valorisation des collections patrimoniales et des fonds d'archives de l'Institut d'études iraniennes est l'occasion de collaborations renouvelées. En 2021-2022, dans le cadre d'un appel à résidence de chercheurs lancé par le GIS CollEx-Persée, la BULAC et le CeRMI ont organisé l'accueil de la post-doctorante Martina Massullo. Grâce au projet « EpiPOM – Épigraphie du Proche-Orient médiéval. Le patrimoine architectural en pays d’Islam dans le fonds iconographique Henry Viollet (1880-1955) », une des premières acquisitions de la bibliothèque sera étudiée et mise en ligne sur la Bibliothèque numérique aréale de la BULAC, avec l'aide des équipes de la bibliothèque et de chercheurs du CeRMI. Il s'agit d'une source importante pour l'étude des sites archéologiques islamiques de la Perse et du Moyen-Orient avant les restaurations ou les destructions du XXe siècle.
Le linguiste Gilbert Lazard a fait don en 2010 d’une partie de sa bibliothèque personnelle à l’Institut d’études iraniennes (IEI). Ce successeur d’Émile Benveniste à l’École pratique des hautes études (EPHE) et membre de l’Académie des...