Le don Simon Ayache
La BULAC a accueilli en 2020 le riche don Simon Ayache, cédé par ses enfants et issu de la bibliothèque personnelle de l’historien. Il est composé de 450 ouvrages, centrés principalement sur l’histoire de Madagascar, et d’un ensemble d’archives, constituées de manuscrits, mémoires, notes de cours, articles et tirés-à-part, travaux universitaires, reflets de sa vie professionnelle en tant qu’historien de Madagascar.
Un enseignant-chercheur atypique
Simon Ayache (1927-2017) était spécialiste de l’histoire de Madagascar au XIXe siècle. Après des études en hypokhâgne et khâgne au lycée Henri IV à Paris, où naît sa vocation pour l’histoire, il entre à l’École normale supérieure de l’enseignement technique de Cachan (ENSET).
C’est en 1962 qu’il découvre Madagascar dans le cadre de la Coopération, étant affecté en tant qu’enseignant à l’École normale d’instituteurs de Tananarive. Il innove, pour l’époque, en incitant ses élèves normaliens à consacrer leur monographie de fin d’étude à l’histoire malgache (histoire politique, religieuse ou locale, événements de l’année 1947, traditions locales, analyses méthodiques de documents historiques…).
En 1964, il est nommé assistant d’histoire à la faculté des lettres de Tananarive, avant de devenir maître de conférences en 1974. Au sein du département d’histoire, il crée une licence option « Histoire de Madagascar et des Pays de l’océan Indien » et élabore un enseignement original sur la civilisation anglo-malgache au sein du département d’anglais.
En 1970, il consacre sa thèse de 3ᵉ cycle à Raombana (1809-1855), premier historien malgache, descendant des rois merina, ayant acquis l’essentiel de son éducation en Grande-Bretagne, devenu l’un des principaux secrétaires de la reine Ranavalona 1ʳᵉ, plus particulièrement chargés des relations avec les étrangers. Le travail monumental de Simon Ayache autour de ce personnage et de son œuvre est fondamental, car il apporte une vision nouvelle sur l’histoire de Madagascar. Sa thèse sera publiée en 1976 aux éditions Ambozontany1 et sera suivie en 1980 d’une édition critique et d’une traduction française des Histoires de Raombana.
- 1 Voir les comptes rendus de lecture écrits par Hubert Deschamps, Revue française d’histoire d’outre-mer, année 1977, 235, pp.271-272 ; et Jacques Faublée, Journal des africanistes, année 1978, 48-2, pp. 151-172.
En 1975, il crée avec Manassé Esoavelomandroso et Faranirina Rajaonah, ses anciens élèves de l’École normale devenus ses collègues à l’université de Tananarive, la revue d’études historiques Omaly Sy Anio (Hier et Aujourd’hui), reconnue comme un titre académique de référence.
En 1980, il est affecté à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et rejoint alors le CeDRASEMI (Centre de documentation et de recherches sur l’Asie du Sud-Est et le monde insulindien). Il y occupera les fonctions de maître de conférences et de directeur de mémoire à partir de 1985. Dans ce cadre, il organise plusieurs séminaires d’histoire culturelle, tournés plus particulièrement vers « les phénomènes d’acculturation aux XIXe et XXe siècles » à Madagascar.
Il quitte le monde de l’enseignement et de la recherche en 1992, mais il continuera à suivre les travaux de ses étudiants malgaches jusqu’à sa disparition en 2017. Il était membre titulaire de l’Académie malgache.
Description du fonds des imprimés
Il rassemble 450 monographies dont 77 sont en malgache, les autres documents étant publiés principalement en français, quelques-uns sont en anglais. Bien que les dates de publication courent sur plus d’un siècle (de 1885 à 2012), la grande majorité de ces livres ont été édités durant les décennies 1960 et 1970 (267 livres) et dans une moindre mesure dans les années 1980 (67 livres). Ils correspondent à la période durant laquelle Simon Ayache était en activité et constituent une photographie de ce qui se publiait à cette époque sur Madagascar dans les disciplines qui lui étaient chères. De surcroît, la présence dans sa bibliothèque de plus de 160 ouvrages provenant de Madagascar témoigne du fort intérêt que ce dernier portait à la production régionale.
Il n’est pas étonnant de constater que sa collection d’ouvrages porte majoritairement sur l’histoire, en particulier sur le XIXe, période de prédilection de Simon Ayache, qui orienta l’essentiel de ses recherches sur le royaume Merina. C’est ainsi que l’on y trouve de nombreux documents sur cette lignée de monarques (Andrianampoinimerina, Radama 1er, Ranavalona 1ʳᵉ, Radama II) et l’une des sources érudites majeures de l‘histoire précoloniale de Madagascar, que sont les chroniques dénommées Tantara ny Andriana, ou Histoire des rois d’Imerina : recueillies par le Père jésuite François Callet dans les années 1860-1870, ces traditions sont d’abord publiées en malgache avant d’être traduites dans les années 1950 à l’initiative de l’Académie malgache.
Il s’attachera également à regrouper de la documentation sur les autres royaumes du pays, moins connus, et sur les relations extérieures de Madagascar avec l’Europe. Des écrits sur la colonisation de l’île sont aussi présents, ainsi que des ouvrages sur les événements de 1947 et de 1972 : citons notamment les récits de Joëlson Rakotomalala, acteur des soulèvements de 1947 et membre du M.D.R.M. (Mouvement démocratique de la révolution malgache), ancien prisonnier de l'État français.
D’autre part, profondément pédagogue, il participera, avec d’autres experts africains et malgaches, à l’élaboration de nouveaux programmes d’enseignement secondaire d’histoire, mieux adaptés au contexte local : cet intérêt pour les matériaux d’enseignement se retrouve dans les manuels scolaires du fonds, dont certains ont été rédigés par Simon Ayache lui-même ou encore dans une série de « documents historiques » publiés par le Centre de formation pédagogique Ambozontany, sources destinées à aider les instituteurs dans l’enseignement de l’histoire de Madagascar. Enfin, des récits de voyages, guides touristiques, catalogues d’exposition ou livres moins académiques viennent compléter ce panel sur l’histoire de l’île.
Simon Ayache s’est aussi particulièrement attaché à l’histoire culturelle et religieuse de la Grande Île, qui constitue les deux autres grandes thématiques prégnantes de sa bibliothèque. Au travers des ouvrages sur les différents peuples (Antaimoro, Antambahoaka, Bara, Betsileo, Betsimisaraka, Merina, Sakalava, Vezo…) sont décrites les structures sociales, l’organisation communautaire et les coutumes qui sont propres à Madagascar (en particulier croyances du surnaturel, cosmologie, rites funéraires). Les questions autour du système agraire, de la propriété foncière, de la paysannerie, du développement rural sont aussi bien représentées dans le fonds, tout comme les sujets portant sur la politique (droits civiques, nationalisme). En religion, nombre de documents a trait à l’histoire des deux grands courants chrétiens, protestant et catholique, qui se sont implantés à Madagascar dès la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècles : place de la London Missionary Society et de son œuvre d’évangélisation, influence des jésuites, relations entre administration coloniale et missions, relations entre religion et société. Il convient d’ailleurs de mentionner la présence dans la bibliothèque de livres publiés par les institutions d’obédience religieuse (Imprimerie luthérienne, Imprimerie L.M.S., Imprimerie catholique, T.P.F.L.M.). Place est également faite aux livres portant sur la religion traditionnelle et les croyances ancestrales malgaches.
Des dictionnaires et grammaires du malgache, ainsi que des manuels pour locuteurs du français constituent les quelques exemplaires de linguistique du fonds. On trouve également des recueils de proverbes et de poèmes.
Les fonds d’archives
Ce corpus d’archives est constitué de 40 cartons, dont le classement par type de contenus a été intégralement réalisé par Simon Ayache. Ces archives permettent de retracer son parcours professionnel et peuvent être décomposées en trois grands ensembles, relatifs aux grandes institutions dans lesquelles il a été amené à exercer.
École normale d’instituteurs de Mahamasina (Antananarivo)
Sont conservés les mini-mémoires de maîtrise et les devoirs de ses étudiants portant sur l’histoire de Madagascar (XIXe-XXe siècles), la civilisation anglo-malgache, mais aussi sur les coutumes traditionnelles ou encore les événements de 1947. Pour ces travaux, rédigés entre 1963 et 1968, présentés pour certains sous la forme de cahiers d’écoliers, les élèves ont eu à explorer les sources présentes aux Archives nationales de Tananarive, à collecter les traditions orales de l’île ou à recueillir les témoignages d’acteurs de l’époque.
Simon Ayache a également rédigé des fiches synthétiques (descriptions, objet, détails importants) à partir de documents consultés aux Archives nationales (ils portent principalement sur le règne de Radama II) ou encore du Madagascar Times des années 1887-1888.
Département d’histoire de la faculté des lettres de Tananarive
Cet ensemble est de loin le plus conséquent et fait en écho aux années durant lesquelles Simon Ayache a enseigné dans cette université, innovant tant dans ses méthodes pédagogiques pour former de nombreux étudiants que dans les thématiques des enseignements dispensés. Il permet également de retracer ses propres travaux de recherches.
Le premier lot d’archives a trait à son enseignement. Il comporte de nombreuses notes de cours (cours d’initiation générale et d’introduction à l’histoire et à l’historiographie malgaches ; cours de licence autour de la période des réformes de 1810 à 1895 ; cours de civilisation anglo-malgache suivis de mémoires d’étudiants). À noter que certains de ses cours ont été radiodiffusés par la Radio-Université de Tananarive. D’autres documents, liés à la refonte des programmes d’histoire-géographie (Afrique-Madagascar) figurent également dans ce corpus.
Le second lot est composé des documents de travail relatifs à Raombana, utilisés par Simon Ayache pour rédiger sa thèse ainsi que les trois ouvrages qu’il publiera par la suite. Y figurent la retranscription des manuscrits de Raombana, initialement écrits en anglais et traduits en français par Simon Ayache lui-même, ainsi que l’étude critique qu’il en a faite. Plusieurs cartons contiennent également les travaux et mémoires d’étudiants, relatifs à Raombana.
La troisième entité regroupe les recherches menées par Simon Ayache en vue d’étayer ses cours. Citons tout particulièrement les études entreprises autour du « Manuscrit de l’Ombiasy », dénommé « Manuscrit hova de la bibliothèque d’Alfred Grandidier » figurant parmi les manuscrits du XIXe siècle transcrivant les traditions orales sur l’histoire et les coutumes des ancêtres. Mais aussi les travaux entrepris autour de Rabezandrina Rainandriamampandry, gouverneur de Toamasina (Tamatave), devenu ministre de l’Intérieur en 1895 : cet ensemble comprend plusieurs éléments biographiques, des traductions partielles de son journal, et des traductions de son œuvre Tantara sy fomban-drazana. Enfin, des dossiers portent sur l’histoire religieuse : le christianisme à Madagascar, la présence des missions catholiques et protestantes, la religion traditionnelle.
Le quatrième lot est formé de tirés-à-part des articles de Simon Ayache, des travaux préparatoires à ses articles, de correspondances et de ses communications à l’Académie malgache.
Le cinquième lot regroupe des photocopies provenant des Archives de l’Archevêché de Tananarive et des Archives départementales de la Réunion (fonds du Gouverneur de la Réunion), et les inventaires des différentes collections d’archives relatives à l’histoire de Madagascar.
École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Moins imposante, cette entité est constituée des cours dispensés dans le cadre des séminaires qu’il a donnés à Valbonne, Marseille et Aix-en-Provence. Ils portent entre autres sur l’acculturation, la société précoloniale, les relations entre le pouvoir central et les provinces, la langue malgache, la révolution de 1972. Y sont aussi regroupés les conférences de collègues invités et les exposés de ses étudiants.
En 2004, la bibliothèque privée du professeur Jacques Faublée est cédée par sa fille Véronique Guérin-Faublée à la Bibliothèque interuniversitaire des langues orientales (BIULO), intégrée à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC) en 2010. Grande figure de l’enseignement...