Conférence de
- Aude Merlin, chargée de cours en science politique et fait partie du Centre d'étude de la vie politique (CEVIPOL) à l’Université libre de Bruxelles ;
- Mylène Sauloy, documentariste ;
le 23 mai 2013.
Qui a tué Natacha ? est un documentaire réalisé par Mylène Sauloy portant sur l’assassinat de Natalia Estemirova.
Le film a reçu en mars 2011 le grand prix de l’Organisation mondiale contre la torture, décerné lors du 9e Festival du film et Forum international sur les droits humains de Genève.
Dans un entretien accordé à Arte en 2009, Mylène Sauloy y décrit Natalia Estemirova comme « la dernière “grande gueule” capable de s’opposer à Ramzan Kadyrov ».
La journaliste russe engagée dans la défense des droits de l’homme, Natalia Estemirova, née le 28 février 1958, est assassinée le 15 juillet 2009 alors qu’elle enquête sur des cas de violation de droits humains en Tchétchénie (Caucase du Nord) pour l’ONG russe Mémorial. Ses investigations avaient pour but de révéler des cas de tortures, de viols ou de disparitions perpétrés dans cette région depuis la fin de la seconde guerre avec la Russie en 2000.
Le président de Mémorial, Oleg Orlov, accuse alors publiquement le dirigeant actuel de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, d’avoir commandité l’assassinat de Natalia Estemirova. En 2010, Oleg Orlov ainsi que son ONG sont condamnés par le tribunal de Moscou à verser des dommages et intérêts au président tchétchène, à la suite de la plainte déposée par ce dernier. Oleg Orlov est déclaré non-coupable en appel. Le procès est encore en cours.
La Tchétchénie est le théâtre de deux guerres successives contre la Russie de 1994 à 1996 puis de 1999 à 2000, malgré l'accord de paix signé en 1996 entre les deux gouvernements — le dirigeant tchétchène d'alors Djokhar Doudaïev est tué au cours du premier conflit en 1996. Les motivations indépendantistes des séparatistes tchétchènes emmenés alors par le président élu Djokhar Doudaïev sont irrecevables pour Boris Eltsine. En 1996, celui-ci remet à plus tard l'ouverture des négociations sur l'indépendance de cette région. En échange, le gouvernement russe s’engage à retirer ses forces du territoire tchétchène. Aslan Maskhadov est élu président de la République tchétchène d'Itchkérie en 1997. Mais l'État tchétchène n'est reconnu qu'en 1999 par la communauté internationale.
Ce territoire a la particularité d'abriter des partisans du wahhabisme, un mouvement politico-religieux islamiste fondamentaliste qui a su rapidement gagner du terrain en Tchétchénie. Certains d'entre eux ont même combattu aux côtés des séparatistes pendant la première guerre sous la houlette de Chamil Bassaïev, d'autres ont participé à l'insurrection du Daguestan salafiste voisin.
Pour justifier l'ouverture de nouvelles hostilités contre la Tchétchénie, en 1999, la Russie invoque les attentats perpétrés sur le territoire fédéral russe, revendiqués par Chamil Bassaïev. Selon Moscou, il s'agit alors « seulement » d'une « opération antiterroriste ». Grozny, la capitale tchétchène, est reprise en cinq semaines, le 1er février 2000, par l’armée fédérale russe. À l’issue du conflit, plusieurs milliers de combattants continuent de mener des opérations de guérilla contre les troupes russes et le nouveau régime pro-fédéral.
Ce n’est que le 16 avril 2009 que le Vladimir Poutine met officiellement fin à ces « opérations antiterroristes ».
Le pouvoir russe nomme en 2000 Akhmad Kadyrov président de la Tchétchénie. Son élection avec plus de 81% des voix en 2003 est considérée comme un simulacre démocratique. Il est assassiné en 2004. Depuis février 2007, c’est son fils Ramsan Kadyrov qui lui a succédé.
Selon Aude Merlin, la « tchétchénisation* » du conflit a donné lieu à la mise en place d’un régime qui repose à la fois sur la reconstruction matérielle de la république et sur la terreur politique.
* « Le 18 avril 2001, un gouvernement tchétchène pro-russe s’installe à Grozny. C’est le début de la “tchétchénisation” ». Un conflit interminable, Silvia Serrano, La Documentation française.
Conférence de
le 23 mai 2013.
Aude Merlin est chargée de cours en science politique et fait partie du Centre d'étude de la vie politique (CEVIPOL) à l’Université libre de Bruxelles. Elle a dirigé la publication de plusieurs ouvrages, dont Ordres et Désordres au Caucase avec Silvia Serrano / Éditions de l'Université de Bruxelles en 2010 et Tchétchénie, une affaire intérieure ? Russes et Tchétchènes dans l'étau de la guerre avec Anne Le Huérou, Amandine Regamey, et Silvia Serrano / Autrement en 2005. Ses recherches portent sur les transformations sociales, politiques et identitaires dans l'espace post-soviétique, et en particulier sur le Caucase du Nord comme région particulièrement riche et emblématique de toute une série de transformations en Russie. Le conflit tchétchène est vu comme un des points de fixation de ces transformations.
Mylène Sauloy est documentariste. Elle a réalisé plus de 30 films. Une dizaine d'entre eux ont été tournés en Tchétchénie entre 1994 et 2009, la résistance sous toutes ses formes et les cultures minoritaires sont ses thématiques principales. Parallèlement, elle crée au début des années 2000 une association pour la Tchétchénie, Marcho Doryila. Mylène Sauloy possède une formation d’architecte, et est également docteur en sciences sociales. Elle a débuté dans le journalisme en étant reporter TV (Arte, Canal plus, TF1) et correspondante pour la presse écrite. Elle a également écrit des récits engagés comme Bogota Jungle / Autrement (1984) ou dans Vivre en Guerre / Phébus (2003) dirigé par Myriam Gaume