Valdas Papievis, de l'autre côté du temps
Dialogue entre l’écrivain et le critique littéraire, Éric Dussert
Valdas Papievis est un exilé volontaire. Depuis 1992, cet écrivain, traducteur et journaliste lituanien a fait le choix de vivre à Paris. Et c’est dans la capitale et dans la région du Luberon que se déroulent respectivement ses romans, Ėko (à paraître, début 2023) et Un morceau de ciel sur terre (paru en 2020), traduits en français par Caroline Paliulis, pour les éditions Le Soupirail. Deux romans autour desquels s’établira le dialogue entre l’écrivain et le critique littéraire, Éric Dussert, lors de cette rencontre-lecture organisée par la BULAC.
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S’il vit officiellement à Paris, après avoir décidé d’aller découvrir cette Europe située de l’autre côté du mur de Berlin démantelé, l’auteur considère qu’il vit surtout « entre » ses trois villes de cœur, villes natale, de jeunesse et d’adoption : « "Entre" est l’endroit où je vis vraiment. Entre Anykščiai, Vilnius et Paris : plus ou moins partout, mais vraiment nulle part. ». Depuis, cet éloignement n’a pas empêché Valdas Papievis de gagner en reconnaissance et en notoriété en Lituanie, et en particulier au cours de cette dernière décennie. L’auteur occupe désormais une place de premier plan dans son pays, où son œuvre, notamment composée à ce jour de huit romans, a été couronnée de prix importants. C’est ainsi qu’en 2016, Valdas Papievis recevait le Prix national de la culture et des arts en Lituanie, la plus prestigieuse distinction dans le domaine des arts et de la culture. L’année précédente son roman, Odilė, arba oro uostų vienatvė (Odile, ou la solitude des aéroports), non traduit en français, figurait sur la liste du Prix du Livre de l’année et était sélectionné pour le Prix du livre le plus créatif de l’année. Last but not least son roman, Eiti (Marcher), Un morceau de ciel sur terre (en français), s’était vu doublement récompenser, en 2011, par le Prix du livre le plus créatif et le Prix du meilleur roman lituanien de l'année.
À travers ses deux romans, Un morceau de ciel sur terre et Ėko, Valdas Papievis se place en explorateur du temps et des temps actuels auxquels sont soumis ses personnages. Certains des motifs de ces deux textes ne peuvent laisser indifférent le lecteur d’aujourd’hui par leur caractère prémonitoire. Le personnage principal d’Un morceau de ciel sur terre, roman écrit en 2010, est un journaliste lituanien envoyé par son journal dans le Luberon pour enquêter sur les feux estivaux qui ravagent la région. Dans Ėko, Valdas Papievis imagine un Paris déserté, où personne ne peut plus revenir, une ville où la nature reprend progressivement ses droits et dans laquelle déambule le narrateur, suivi notamment par un chien, Ėko, son personnage-miroir. C’est en reprenant une de ses propres nouvelles qu’est né ce roman. Écrite au cœur de l’été 2016, celle-ci lui avait été inspirée par la torpeur ambiante qui régnait dans un Paris brûlant et dépeuplé. L’auteur, qui avait remis sur le métier ce court texte en amont du premier confinement parisien, en vue d’en faire un roman, sera rattrapé par un réel, que nul n’avait anticipé, et dans lequel, pour l’écrivain, fiction et réalité se confondaient soudain de façon inimaginable : « Je suis sorti dans les rues de Paris et j’ai eu l’impression de marcher à travers les pages de ma propre écriture ». Il en résultera Ėko, un roman qui nous parle d’« une mémoire européenne commune, marquée par la tristesse et l’inquiétude ».
Mais par-delà l’aspect étonnamment visionnaire de ces deux romans, c’est également l'écriture de Valdas Papievis qui interpelle lors de la parution en France de Un morceau de ciel sur terre, pour Éric Dussert (Le Matricule des Anges) : « Le style du livre peut au détour de plusieurs pages évoquer en même temps Marguerite Duras (dialogues) et Annie Ernaux (milieu et enjeux), le roman a cette particularité de paraître s'épanouir dès lors qu'il est question de sa pratique assidue de marcheur qui, en le menant bien loin parfois, lui procure un oubli de soi total, rédempteur et promesses de beautés à venir », et pour Florent Georgesco (Le Monde, 4 septembre 2020) : « La découverte d'un auteur singulier, capable de créer de la magie avec une intrigue aussi ténue, est, à chaque fois, une réjouissante surprise (…) Papievis a le don du détail juste, de la notation rapide, étrange, qui vous projettent d'un coup dans un univers neuf. Il entraîne son personnage au plus loin de lui-même, dans la vie des autres comme dans une nature d’une beauté presque déchirante, « une beauté qui touche à sa fin », et transforme peu à peu ce récit d’un vagabondage en expérience des frontières du monde, en approche du vide. ».
Valdas Papievis dans le catalogue de la BULAC
Un morceau de ciel sur terre
Ėko
Žiebtuvėliai anarchistai
Pour aller plus loin...
- Vidéo-portrait de Valdas Papievis, réalisée lors de la parution de Un morceau de ciel sur terre, par les éditions Le Soupirail.
Grand entretien en anglais :
- Vilnius Review : « Valdas Papievis: “I must spend long periods of time doing nothing to get in the mood for writing” », 7 décembre 2021.
Cette exposition retrace l'histoire de la littérature lituanienne du XXe siècle, intrinsèquement liée au développement de l’identité nationale, aux premières tentatives démocratiques, aux guerres et à leurs terreurs, aux déportations et à l’exil. Elle met à l'honneur des dons...
Nos intervenants
Écrivain, traducteur et journaliste lituanien, né en 1962, il est l'auteur de :
- L'automne en province (roman), 1989 ;
- La vallée de l'oubli (récits), 1989 ;
- Les émigrés d'un été (roman), 2003 ;
- Marcher (roman), 2010, (parution en français sous le titre, Un morceau de ciel sur terre (éditions Le Soupirail 2020) : Prix de l'Institut national de littérature lituanienne pour le Meilleur livre de l'année 2010 et Prix du meilleur roman lituanien de l'année 2010 ;
- Odile (roman), 2015 ;
- Les briquets anarchistes (récits), 2017 ;
- Ėko, 2021, à paraître aux éditions Le Soupirail, début 2023.
Il a également publié plusieurs nouvelles dans différentes revues littéraires (en anglais et en lituanien).
Distinction. En 2016, Prix national de la culture et de l’art, la plus prestigieuse distinction lituanienne dans le domaine des arts et de la culture.
Traductions de l'anglais vers le lituanien :
- La République de Weimar, de P. Gay, 1994 ;
- Le Japon, de E . O. Reischauer, 1996.
Traductions du français vers le lituanien :
- Je veux que quelqu'un m'attende quelque part, de A. Gavalda, 2003 ;
- L'Homme aux cercles bleus, 2007, et La Seine coule, 2008, de F. Vargas ;
- Malraux et les Juifs, de M. de Saint-Chéron, 2010.
Journalisme. Depuis 1998, il est correspondant à Paris :
- 2004 : pour Lietuvos nacionalinis radijas ir televizija (LRT), la Radio-télévision nationale lituanienne, à Vilnius (actualités, événements culturels, sujets divers) ;
- 2000 - 2003 : pour la radio Free Europe ;
- 1998 - 2003 : pour Žinių radijas (radio équivalente à France Info en Lituanie) ;
- 1991 - 1994 : assistant du ministre de la Culture et de l'Éducation en Lituanie ;
- 1985 - 1990 : assistant du recteur de l'Université de Vilnius.
Formation
- Diplômé de la Faculté de Philologie à l'Université de Vilnius ;
- Cours de français à la Sorbonne et à Eurocentre, l'École internationale de langues ;
- Études de littérature générale et comparée à la Sorbonne.
Né en 1967, Éric Dussert est un critique littéraire, éditeur et auteur, diplômé de Sciences-Po. Il collabore notamment au Matricule des Anges, à La Quinzaine littéraire (Quinzaines) et à La Revue des revues.
En tant qu’éditeur, il s'est spécialisé dans l'édition de textes littéraires oubliés, notamment dans le cadre de sa collection « L'Alambic », d'abord publiée aux éditions L'Esprit des péninsules puis à l'Arbre vengeur. Il a également initié une double série de portraits d'écrivains oubliés aux éditions La Table ronde : Une forêt cachée et Cachées par la forêt, ce dernier volume s’intéresse exclusivement à des femmes écrivains oubliées.
En tant qu'essayiste, il a publié un pamphlet, Comme des enfants. L'âge pédophile du capitalisme, ainsi que des livres sur l'histoire du livre et de la typographie.
Il tient également un blog, L’Alamblog, consacré à l'actualité éditoriale et à l'histoire littéraire.
Principales publications
- 2003 : L’Arsimplaucoulis, douceur des Carpates, avec Valérie Rouzeau, Fornax.
- 2006 : La Littérature est mauvaise fille. Nouvelles increvables, choisies et présentées par Éric Dussert. Illustration de Michel Nedjar, Villelongue d’Aude, L’Atelier du Gué.
- 2006 : Comme des enfants. L'Âge pédophile du capitalisme, Anabet.
- 2007 : Alfred et l’omnibus, Cynthia 3000, coll. « Omajajari ».
- 2007 : « L’Alambic », collection complète, Paris, Des Barbares….
- 2009 : Aphorisme, Fornax.
- 2013 : Une forêt cachée. 159 portraits d’écrivains oubliés, préface de Claire Paulhan, La Table Ronde.